dimanche 19 mars 2023

TECHNOLOGIE, Apriori, Autre

"Les définitions qui ont été données du Technique et du Technologique (par les objets, les processus, les procédés, par les quatre causes en général) sont en général trop étroites et trop vagues à la fois ; elles sont acquises par simple induction locale et généralisation abusive sur un état historique déterminé des techniques... Il y a une eidétique technologique, objet d’une description pure, mais qui a été dissimulée par la métaphysique classique des quatre causes : voilà le principe d’une discipline rigoureuse des technologies. L’Apriori donne lieu à des règles de production, de reproduction et de consommation ou d’extinction des phénomènes technologiques. La Raison technologique est l’ensemble de ces règles a priori. Elles sont « formelles » mais pas au sens d’abstraites ou de vides. Elles font système avec le contenu des technologies.... L’Apriori technologique est un objet philosophique, c’est la corrélation indivise des techniques et de leur savoir, ici la philosophie autant que la science, donc de leur interprétation « comme telles ». C’est même ce qu’on peut appeler une techno-logique. Donc autant de techno-logiques que de philosophies... L’essence de cet Apriori est donc la Différence techno-logique... Que reste-t-il d’un Fonctionnement lorsqu’on a éliminé les quatre causes qui, toutes, brisent l’unité, l’autonomie ou l’immanence de cette donnée phénoménale ?... Quelle est cette causalité irréductible aux machines de toute espèce et que la métaphysique a « oubliée » ? C’est la causalité réversible de l’Autre sur l’Autre ; la causalité immanente et continue propre au divers, mais au divers comme tel, des pièces ou des parties, des matériaux, des fins, des effets et des formes. Nous savons a priori qu’il y a phénomène technologique lorsqu’il y a causalité de l’Autre sur l’Autre, mais réversible... L'essence du technologique se comprend mieux dans la problématique de l’Un et du Multiple et surtout de l’Unité de l’Un et du Multiple, des « multiplicités », que dans celle de l’Être et de l’étant dont elle est pourtant inséparable. Elle précède l’ob-jectivation, même si elle conserve des rapports avec celle-ci... Ainsi, le premier trait de l’économie du NET est formel ou syntaxique. C’est une nouvelle distribution des rapports des « techniques » et des « savoirs », mais sous l’autorité ultime du Technologique lui-même, qui les fait reconnaître comme indivisibles ou non-séparables... Le triomphe de la Différence technologique comme telle signifie que nous entrons dans une époque non plus méta-technique mais sur-technique. Le « nouvel esprit » n’est pas que cela, mais il est au moins cela : c’est une expérience toute relationnelle et topologique des technologies, donc aussi des récits faits à leur propos. Sous cet angle-là, nos discours sont les bons voisins de nos machines."

LARUELLE, 2020, NET