mercredi 22 mars 2023

HOMME, Automate, Technologie

"Étendre la critique de la Raison technologique aux images automatologiques de l’homme comme aux images anthropologiques de l’automate. La distinction de l’homme et de l’automate repose sur la distinction absolue, la dualité unilatérale ou irréversible de l’Un et de l’Être ; soit encore, ici du moins, de l’homme et du Monde, de l’homme et de la Technologie dans laquelle il est inaliénable... De ce point de vue, procéder à une redistribution de l’homme « comme tel » et de ses doubles automatologiques. Déplacer de toute façon le partage cartésien de l’homme et de l’automate puisque l’Un n’est plus tout à fait le Cogito. En réalité le problème est plus vaste : suggérer que la philosophie unitaire, son anthropologie et son humanisme, leurs critiques intra-philosophiques aussi, furent seulement une automato-logie fondée sur l’oubli de l’essence réelle de l’homme... La philosophie est en son fond animée par une illusion voire une hallucination automatologique de l’homme. Cela veut dire que, plus profondément que ses théories locales (mécanistes et informationnelles) des automates, ce sont les conceptions philosophiques du sujet et de l’homme, même les plus « humanistes » et les plus apparemment opposées aux automates, qui sont encore des artefacts quasi-humains ; des entités anthropoïdes voire androïdes plutôt que l’homme même. Les philosophies du sujet, le sujet dans la philosophie, même dans l’anthropologie ou l’humanisme, sont en réalité, dès qu’ils sont mesurés à l’Un ou à l’« homme ordinaire », des mixtes d’homme et d’artefact (une essence prothétique de l’homme)... On ne peut donc se contenter d’un rejet, ou d’une critique « humaniste » et « mentaliste », de l’Intelligence artificielle dont l’aspect physico-mathématique exprime plus radicalement une humanité et une subjectivité auxquelles la philosophie a opposé à tort une prétendue « objectivation » scientifique qui est seulement l’œuvre de la philosophie."

LARUELLE, 2020, NET