dimanche 19 mars 2023

NET, Science, Technologie

"Le NET est une double manifestation du technologique : 1 ) d’une part comme tel, ou appréhendé circulairement depuis lui-même. C’est le discours, lui-même techno-philosophique, d’accompagnement des technologies ; accompagnement inévitable. C’est la scène, la mise en scène par lui-même du technologique (l’époque du surtechnologique) ; 2 ) sur le fond invisible par définition, hors-transcendance, de la science comme côté réel et naïf des technologies : celles-ci sont alors du même geste privées de réalité, réduites à l’état de reflet d’un réel qui n’est jamais donné là en personne : c’est la déréliction ou l’abandon du technologique par la science et par l’homme comme sujet (de) la science ; l’affect de leur hiatus et de leur impossible synthèse (contre la « techno-science ») ; quelque chose comme une déréalisation des technologies par la science et pas seulement une déréalisation du monde par les technologies... On distinguera donc dans le NET le survol illimité de-soi de l’existence devenue technologique et, de l’autre côté, une finitude radicale qui affecte de l’extérieur toute la sphère technologique, une déréalisation qui est le signe le plus sûr de son côté réel... 
Comme infrastructure réelle des rhizomes technologiques, la science est l’expérience de l’enracinement du survol, de la semi-réflexivité et de l’ascendant technologiques dans un trou noir plus réel, mais plus absent ou plus invisible, que toute archi-terre... La science peut seule démontrer à la technologie que l’homme n’est pas réellement aliéné par celle-ci. Non-aliénation qu’il est nécessaire de bien saisir dans sa « possibilité » transcendantale : ce n’est pas la science, et donc l’homme, qui se retirent ou se soustraient à l’emprise technologique – encore une forme subtile d’aliénation –, c’est la technologie qui s’éloigne de l’homme par un effet qui a son origine dans la science seule... De plus ces deux tendances doivent entretenir des rapports très précis qui ne sont plus philosophiquement maîtrisables. Ni les rapports vagues de la « techno-science »... Mais un rapport unilatéral, un non-rapport aussi bien, de « Détermination en dernière instance »... La perception que nous avons de la « techno-science » dans sa prétendue unité, est l’apparence d’une identification. Elle repose sur une dualité irréductible, et celle-ci se fonde à son tour plus originairement dans une identité (du) réel (et) (de) la pensée –, encore plus cachée aux regards de la philosophie que toute identification, parce que c’est le sol secret de la science."

LARUELLE, 2020, NET

TECHNOLOGIE, Philosophie, Empirisme

"Il y a ce qu’il faudrait appeler des usages hallucinés de la technologie. Ils sont de deux sortes. La première est l’« Idéalisme technologique », « technologisme généralisé » ou « Tout-technologie théorique ». C’est une tendance diffuse : dans le sens commun, chez les philosophes qui décrivent les systèmes techniques comme des totalités autonomes en expansion ; enfin chez Nietzsche et certains de ses continuateurs qui généralisent le modèle machinique... C’est l’idée que la technologie forme un système illimité mais clos, auto-reproducteur, et qui devient co-extensif à la vie ou qui épuise le réel. Le tout-machine en quelque sorte, le fantasme revenu ou la parousie de Moloch. La seconde est « l’empirisme technologique » des économiste, des sociologues, des psychologues, des technologues professionnels... Ils projettent sur l’expérience phénoménale immédiate de l’instrument le regard objectivant de l’ingénieur (comment le fabriquer ? le réparer ?), de l’économiste (combien coûte-t-il ?), de l’artiste, etc., et manquent l’expérience actuelle et réelle du fonctionnement ou de l’ustensilité se déployant comme continuum technologique. Et dans le meilleur des cas, lorsqu’ils éprouvent le technologique comme tel, c’est alors pour l’abstraire de son insertion dans l’infrastructure réelle de la science... 
Les philosophes sont les manipulateurs du technologique comme tel, et ils supposent donné avec lui le scientifique qu’ils réquisitionnent subrepticement tout en le déniant puisqu’ils ne peuvent l’apercevoir dans leur horizon, dans l’abri des préjugés gréco-ontologiques qui postulent l’unité du technologique, du philosophique et aussi du scientifique dans le techno-logos. A fortiori, les « sciences humaines » et « sociales » imprégnées du logos gréco-unitaire, négligent l’essence scientifique de la technique... Hallucination (confusion) technologique de la science… et finalement de la technologie elle-même... La philosophie se contente de projeter une image ou une représentation déjà philosophique sur la technique, elle se l’approprie autoritairement et circulairement, la réduisant à être un mode plus ou moins déchu ou déficient de son fonctionnement à elle. Elle pense en général son rapport à la techno-logie selon le système de l’avance/retard. Il y a une avance de la technologie sur la philosophie, un retard de celle-ci sur celle-là qui devient par son avance même son nouvel objet. À partir de là, une double interprétation de ce schéma est possible. Ou bien, comme la philosophie traditionnelle, qui se veut maîtresse de soi et de son objet, on suppose que c’est un simple retard rattrapable, que la philosophie comblera d’autant mieux qu’elle anticipe par vocation les formes a priori, formes essentielles et universelles du savoir, donc aussi du technologos : appelons cette fatuité le technologocentrisme (tautologie de l’Identique). Ou bien on suppose, dans un style plus contemporain, que ce retard est constituant de la philosophie, que celle-ci ne le comblera jamais, qu’il est pour elle un inconscient irréductible qui la tient en haleine. On déconstruira, mais mutuellement ou réciproquement encore (tautologie du Même), la philosophie et la technologie, l’une par l’autre... Mais elle n’excède le technologocentrisme que pour rester dans le délire unitaire du philosophique livré à lui-même hors de son infrastructure scientifique."

LARUELLE, 2020, NET

TECHNIQUE, Technologie, Logos

"Que l’on considère les sens et les usages de « Technique ». Ils manifestent ensemble une certaine tendance, celle de se compléter les uns les autres, de se saturer... Apparemment la loi d’un cercle, et du cercle des quatre causes élaborées par la métaphysique occidentale (efficiente, matérielle, finale, formelle)... « Technique » est un terme abstrait qui résulte de l’occultation, dogmatique en général et rationaliste en particulier, de la Différence techno-logique. « Technologique » est ce supplément de logos – de savoir, science ou philosophie, impossible de distinguer ou de nuancer pour l’instant – qui manifeste le logos implicite ou refoulé que supposait de toute façon le Technique, et qui est ici tiré de son oubli et mis en scène par le Technique en même temps qu’il le met en scène."

LARUELLE, 2020, NET

TECHNIQUE, Science, Technologie

"La greffe de la technique sur la science, voire le passage d’une forme philosophique des techno-logiques à leur forme scientifique ou à dominante scientifique, n’est pas un phénomène continu, mais marque une véritable « coupure » qui vient bouleverser jusqu’au problème des rapports de la philosophie à la technique... Les sciences exactes contemporaines ont pris le relais et les techniques, au lieu de prolonger simplement l’adaptation organique et vitale du corps individuel, se sont greffées sur la base ou l’infrastructure réelle de la science moderne."

LARUELLE, 2020, NET

TECHNOLOGIE, Technique, Philosophie

"Le sens-technologique des « techniques » est une idéalité objective. Il ne se confond ni avec ce qu’il y a de donné factuellement dans les machines et dont les quatre causes sont les catégories correspondantes, ni avec de simples représentations psychologiques, historiques ou sociologiques des machines... La philosophie est l’apriori de tous les apriori, elle seule peut donner son extension – son intensité aussi – au technologique comme tel. Il faut traiter philosophiquement ce chaos sémantique des définitions et des usages et dégager par une variation opérée sur ceux-ci la régularité technologique a priori qui permet en retour de dénoncer en eux des effets locaux et abstraits de cet Apriori... Ces définitions sont en effet parcourues d’une tendance à se dépasser les unes dans les autres, à surmonter leurs limites, à se saturer afin de couvrir tous les phénomènes. Leur contenu réel et, de ce point de vue, celui des technologies, c’est bien l’inséparabilité de technè et de logos, quels que soient les partages de ceux-ci, leurs limites et les déplacements innombrables de ces limites... La Différence techno-logique précède ou conditionne et la technique et ses savoirs (interprétation, raison, science, terminologie)."

LARUELLE, 2020, NET

SCIENCE, Réel, Connaissance

"L’interprétation gréco-dominante de la science est philosophique. Cela veut dire qu’on la réduit soit ontologiquement (la science, mode du projet ontologique de l’objectivité) ; soit épistémologiquement (la science, prétendu fait donné et déjà constitué) ; soit technologiquement et sociologiquement (la science, effet de pouvoir-savoir, systèmes de relations techno-politiques puis sociales). Ce sont trois manières de décider que « la science ne pense pas »... Le cœur de cette réduction, c’est la thèse selon laquelle la science reposerait sur l’objectivation du réel... Pour la philosophie, il est fondamental de confondre circulairement, même si c’est à plus ou moins longue échéance et avec plus ou moins de délai ou de retard, le réel connu avec l’objectivation du réel ; le réel et sa connaissance ; l’objet réel et l’objet de connaissance. Au contraire, la science, dans son rapport au réel à connaître, ne procède pas par l’objectivation philosophique qui est toujours une extériorité ou une transcendance. Elle accède au réel à connaître par le moyen et sous la forme de données immanentes absolues... Elles seules expliquent le réalisme scientifique de fond, la distinction « duale » c’est-à-dire sans synthèse, la non-confusion, par la science, du réel et de l’objectivation... Il y a une « intentionnalité », si l’on peut dire, de la science, quant au réel, prétention éminemment transcendantale d’un accès direct qui ne passe pas par la médiation de la représentation. Il y aura bien entendu représentation scientifique du réel, mais elle découlera de celui-ci, elle ne le précédera pas ni ne constituera comme le croit et le veut la philosophie... La connaissance est un reflet du réel, mais un reflet qui ne le pose ni ne l’objective, reflet que l’on appelle non-thétique (du) réel et qui a son fondement non-synthétique ultime en celui-ci. La posture scientifique consiste à se « donner » une identité – sans identification et sans synthèse, non-objectivante – du réel et d’elle-même et, de là seulement, à le représenter sans prétendre le transformer dans cette opération. Cette identité – sans-identification préalable – ce que nous appelons l’Un en un sens non-philosophique, n’est rien d’autre que ces données absolument immanentes, réquisit et fondation de la représentation scientifique et de sa soumission au réel à connaître. De là ce qu’il faut appeler, par opposition à la course illimitée de la technologie, la finitude de fond de la science, une finitude essentielle qui lui interdit à jamais de faire sécession d’avec le réel à connaître, sinon avec la représentation de ce réel. La science ne peut être fondée et décrite rigoureusement que du point de vue de l’« Un » qui contient la réalité de cette science, son origine transcendantale. Nous pouvons passer ainsi directement des sciences à la science transcendantale qui est la théorie de la science en contournant la Décision philosophique pourtant prétendument « incontournable »… Quitte à prêter à malentendu, on dira donc que la science tient la place d’une infrastructure – réelle désormais plutôt que matérielle, et transcendantale plutôt que transcendante. L’infrastructure réelle, c’est la science. Mais pas plus que la science ne se réduit à de la matérialité, elle ne se réduit à ses moyens logico-théorico-expérimentaux. On évite à la fois un matérialisme effectivement « sans pensée » puisqu’il représente la dénégation d’une position philosophique, et un positivisme scientiste qui rabattrait l’essence de la science sur ses procédés locaux de représentation et qui confondrait ainsi l’objet réel avec sa représentation..."

LARUELLE, 2020, NET

TECHNOLOGIE, A priori, Autre

"Les définitions qui ont été données du Technique et du Technologique (par les objets, les processus, les procédés, par les quatre causes en général) sont en général trop étroites et trop vagues à la fois ; elles sont acquises par simple induction locale et généralisation abusive sur un état historique déterminé des techniques... Il y a une eidétique technologique, objet d’une description pure, mais qui a été dissimulée par la métaphysique classique des quatre causes : voilà le principe d’une discipline rigoureuse des technologies. L’Apriori donne lieu à des règles de production, de reproduction et de consommation ou d’extinction des phénomènes technologiques. La Raison technologique est l’ensemble de ces règles a priori. Elles sont « formelles » mais pas au sens d’abstraites ou de vides. Elles font système avec le contenu des technologies.... L’Apriori technologique est un objet philosophique, c’est la corrélation indivise des techniques et de leur savoir, ici la philosophie autant que la science, donc de leur interprétation « comme telles ». C’est même ce qu’on peut appeler une techno-logique. Donc autant de techno-logiques que de philosophies... L’essence de cet Apriori est donc la Différence techno-logique... Que reste-t-il d’un Fonctionnement lorsqu’on a éliminé les quatre causes qui, toutes, brisent l’unité, l’autonomie ou l’immanence de cette donnée phénoménale ?... Quelle est cette causalité irréductible aux machines de toute espèce et que la métaphysique a « oubliée » ? C’est la causalité réversible de l’Autre sur l’Autre ; la causalité immanente et continue propre au divers, mais au divers comme tel, des pièces ou des parties, des matériaux, des fins, des effets et des formes. Nous savons a priori qu’il y a phénomène technologique lorsqu’il y a causalité de l’Autre sur l’Autre, mais réversible... L'essence du technologique se comprend mieux dans la problématique de l’Un et du Multiple et surtout de l’Unité de l’Un et du Multiple, des « multiplicités », que dans celle de l’Être et de l’étant dont elle est pourtant inséparable. Elle précède l’ob-jectivation, même si elle conserve des rapports avec celle-ci... Ainsi, le premier trait de l’économie du NET est formel ou syntaxique. C’est une nouvelle distribution des rapports des « techniques » et des « savoirs », mais sous l’autorité ultime du Technologique lui-même, qui les fait reconnaître comme indivisibles ou non-séparables... Le triomphe de la Différence technologique comme telle signifie que nous entrons dans une époque non plus méta-technique mais sur-technique. Le « nouvel esprit » n’est pas que cela, mais il est au moins cela : c’est une expérience toute relationnelle et topologique des technologies, donc aussi des récits faits à leur propos. Sous cet angle-là, nos discours sont les bons voisins de nos machines."

LARUELLE, 2020, NET 

NET, Technologie, Science

"Sous le sigle de NET (Nouvel Esprit Technologique), on propose la description du rapport contemporain de la pensée occidentale à ses technologies... On propose en même temps et sur cette base une critique de la raison technologique, une évaluation de ce qu’il y a de pensable et peut-être d’impensable dans notre expérience technologique. Il n’est pas sûr que « la » technologie, en sa simplicité, existe, c’est peut-être un fantasme nourri par la philosophie. La thèse principale de cet ouvrage est que ni cette description, ni cette critique ne sont possibles en dehors d’une référence à la science et d’abord d’un renouvellement de notre compréhension de l’essence de la science...
Thèse 1 : Le NET ne se confond pas avec le seul côté technologique des phénomènes. C’est là une thèse dirigée contre l’Idéalisme technologique, contre le « tout-technologie » théorique qui gouverne la plupart des recherches en ce domaine...
Thèse 2 : Le rapport du technologique à la science est ce qu’il y a de fondamental ou de spécifique dans le phénomène du NET... Le NET tient son originalité du scientifique en lui plutôt que du technologique...
Thèse 3 : Il faut renoncer aux facilités théoriques du faux concept de « techno-science »... Ce vocable est le symptôme d’un problème, celui des rapports exacts de la technologie et de la science, ce n’est pas sa solution comme on le croit... On a, une fois de plus, intériorisé et réquisitionné le scientifique dans le technologique, on l’a laissé impensé pour avoir cru le penser à travers celui-ci.
Thèse 4 : L’Idéalisme technologique se développe sur le fond d’une non-élaboration de l’essence de la pensée scientifique."

LARUELLE, 2020, NET

SCIENCE, Réel Technologie

"Il y a une posture de fond de la science vis-à-vis du réel qui est tout à fait distincte de celle de la technologie à laquelle on la réduit pour mieux l’accuser d’avoir dévoyé et « objectivé » la bonne technique « artisanale » et « humaine ». Autant la technologie produit de l’effectivité plutôt que du réel – une réalité de synthèse et des simulacres qui passent à ses yeux pour le réel authentique, doublure d’un premier réel dont elle décide qu’il est insuffisant –, autant la science connaît le réel sans le produire et produit seulement la « connaissance scientifique » que la technologie réquisitionne et reverse à l’effectivité... S’il y a une frontière, une limite mobile et sans cesse traversée de la philosophie et de la technologie, il n’y en a pas entre celles-ci prises ensemble et la science. Entre elles et la science, il n’y a pas de « frontière », mais une dualité, un « dual » plutôt ou une identité-sans-identification ni synthèse, sans réappropriation unitaire possible, et dont le rapport unilatéral s’exprime en termes de « Détermination en dernière instance ».v

LARUELLE, 2020, NET

TECHNOLOGIE, Philosophie, Interface

"L’affect du NET est le sentiment d’accélération et de complexification croissantes des processus sociaux en général et les effets « idéologiques » qui en dérivent... Il y a une plus grande extériorité ou altérité des effets ou des retombées dans une machine sophistiquée, un matériau nouveau, un découpage plus fin du temps, que dans l’outil simple... De là un mode de croissance multi-dimensionnel qui se propose d’intégrer dans toute nouvelle technologie, si fine soit-elle, le maximum de retombées hétérogènes. La grande loi ou l’impératif est : tout doit être possible, la seule règle est la combinaison maxima des dimensions et des possibles... Les technologies modernes, justement parce qu’elles mettent en jeu des micro-éléments techniques et physiques, produisent des effets de surface étendus. Elles sont performantes, excessives et sensationnelles... Que signifient l’« interface » et la « frontière » ? Le principe de l’interface est le suivant, c’est justement un principe de la raison ou du logos philosophique : entre deux machines ou deux systèmes, si éloignés soient-ils apparemment (ce peut même être deux institutions) on peut toujours introduire une nouvelle machine qui fera la connexion plus directe, plus immédiate, mais aussi plus dense et plus médiatisée, des premières entre elles, et formera ainsi un continuum technologique. La technologie a horreur du vide : elle se confond avec l’innovation elle-même, ce n’est pas seulement un moyen de l’innovation, mais celle-ci même. C’est là sans doute la description de phénomènes biens réels – du moins bien « objectifs ». Mais dans quelle mesure les théoriciens de la technologie, par exemple les philosophes, n’en rajoutent-ils pas sur ce pouvoir de connexion et de formation de systèmes partiels, sur cette possibilité d’innovation, jusqu’à en faire la seule essence de la technologie réelle ? Le NET est un argument supplémentaire à l’idée que l’homme est mort, que c’était une figure historique qui s’efface dans l’excès et la banalisation techniques. C’est peut-être sur ce point que devrait porter une critique radicale."

LARUELLE, 2020, NET

NET, A priori, Philosophie

"Les définitions cumulatives des technologies sont des symptômes du NET... Nous devons les éviter et faire la théorie de cette indétermination que nous considérons comme positive au sens où un objet scientifique doit l’être... Elle tient non pas tant au fondement scientifique des technologies qu’à leur caractère justement techno-logique, à l’élément de logique philosophique immanente (de continuité, de croisement, d’unité, de sur-détermination, d’identification, etc.) qui traverse les techniques... C’est la tendance au « tout-technologie » en tant qu’elle est inscrite de manière immanente dans la production et le fonctionnement technologiques eux-mêmes... S’il fallait donner la différence spécifique des technologies modernes par rapport aux anciennes « techniques », et la différence spécifique du NET, on dirait que c’est la rencontre de la mathématique et d’un apriori technologique comme pulsion transversale, co-extensive au corps social et se greffant sur la mathématisation du réel... Ce que l’on appelle NET, ce n’est pas seulement la prétention de toute technique à devenir techno-logique et à s’étendre, se continuer, régner, etc., c’est au moins le fait que n’importe quel phénomène est animé par cette pulsion techno-logique (pulsion de la continuation plutôt que « loi de la continuité ») et que celle-ci donne lieu à une généralisation encore supplémentaire sous la forme d’une idéologie technologiste... L’Apriori technologique a donc la forme d’une non-séparabilité, d’un indécidable. D’une part c’est un objet philosophique et peut-être même le principal. D’autre part la techno-logie contemporaine – c’est ce qui la met en état de rivalité (imaginaire ?) avec la philosophie est l’usage scientifique de cet Apriori... Le NET est simplement la confusion de ces deux usages, scientifique et philosophique ou « tout-technologique », de l’Apriori (l’Indécidable). Confusion de son usage réel et de son usage philosophique, c’est-à-dire « idéologique », abstrait de ses conditions d’exercice scientifique et rapporté à soi-même dans un geste classique d’auto-position."

LARUELLE, 2020, NET

TECHNOLOGIE, Apparence objective, NET

"Nous distinguons plusieurs éléments hétérogènes dans le vocable « technologie » dont nous décomposons ainsi l’apparence unitaire : a) le techno-logique comme apriori des technologies et de « la » technologie ; c’est un mélange ou un mixte de la technique et du logos gréco-unitaire ; b) l’usage scientifique du techno-logique, sa réduction ou sa limitation mathématique et physique ; c) l’usage philosophique de cet apriori du techno-logique, usage qui le libère des sciences et le rapporte à lui-même : le technologisme, le tout-technologie. La confusion de ces deux usages définit le NET. Autrement dit « la » technologie et même « les » technologies, ce sont des concepts auxquels rien de réel ne correspond, sinon une apparence objective. Ils n’ont de valeur que nominale et indicative, à l’intérieur de l’illusion unitaire qui prétend reconstituer une pareille sphère autonome de « la » technologie. N’existe réellement à sa manière que cette apparence objective et ce qui la détermine en dernière instance, la science... Cette Apparence techno-logique objective pose l’existence de mixtes techno-scientifiques, et tend à annuler la distinction de l’infrastructure réelle et de la superstructure technologique au profit de celle-ci. Une critique de la Raison technologique rétablit cette distinction."

LARUELLE, 2020, NET