mercredi 22 mars 2023

TECHNOLOGIE, Philosophie, Métaphysique

"Critique des catégories « métaphysiques » classique de la technologie. Il y a un capital catégorial investi dans la philosophie spontanée des technologues et dans la technologie spontanée des philosophes... Il y a une "technologie spontanée" des philosophes, mais, dans celle-ci, le rationalisme classique véhicule des paradigmes technologiques devenus inutilisables (les modèles des quatre formes de causalité ; des couples Travail/Nature, Forme/Matière, Fin/Moyen, Agent/Fin, Modèle/Copie ; la technique comme médiation Homme/Nature ; la conception organologique de la technique). Ils définissent en extériorité la technique par ses voisinages à l’aide de présupposés sédimentés et sans être capables à plus forte raison de prendre en compte le mode spécifique de croissance propre à la technologie moderne... La sur-technologisation des Sociétés, des Idéologies, de l’Imaginaire social est au moins l’indice ou le symptôme d’une tendance qui installe la technologie dans les fonctions non plus de référent, mais de référentiel, de système immanent de références qui, en tant que système, n’est plus lui-même seulement relatif à un autre, mais absolument autonome ou intériorisé. La technologie, comme dissolution /démultiplication /fragmentation et dissémination continue des référents (perceptifs, physiques, esthétiques, éthiques, etc.) exige de nouvelles philosophies. Au moins... Il y a, complémentairement, une "philosophie spontanée" des technologues. Ceux-ci, pour combler certains manques théoriques, invoquent spontanément un rationalisme d’esprit classique avec ses présupposés anthropologiques et humanistes ; une éthique des valeurs et de la responsabilité ; enfin une théorie de l’« interface » qui n’est dans ce cas qu’une théorie déguisée de la médiation. Cette philosophie hétéroclite et archaïque est incapable de fournir les instruments de pensée réellement adaptés aux formes nouvelles de la technologie et de sa logique sociale. De ce point de vue, il faut aller chercher des modèles nouveaux d’intelligibilité de la technologie dans l’« analyse » textuelle ou dans la « déconstruction » ; dans l’analyse « machinique » ou « schizo-analysique » des surfaces et des frontières ; dans l’analyse « techno-politique » des Relations de pouvoir, etc… Si l’on se tient à l’intérieur de la métaphysique « absolue » ou nietzschéenne, cette définition topologique de la machine est la plus achevée, la plus accomplie que puisse donner, de la technologie, la « métaphysique occidentale » – qu’elle puisse donner par conséquent d’elle-même (auto-interprétation de la technologie comme « technologie absolue »)."

LARUELLE, 2020, NET