mardi 11 juillet 2023

CHRIST, Médiation, Loi

Logos païen et Torah juive sont des religions substantielles, même si elles valent comme formes pour d’autres modalités de la culture. Ce sont des formes d’existence dont le christianisme constitué va hériter et avec lesquelles il va se mélanger comme s’il contournait le Christ en laissant échapper sa radicalité. Elles sont consistantes, forment un système ou un plan de salut, elles sont structurées à trois termes, le divin, l’humain et la loi qui sert d’intermédiaire... Mais le problème du Christ est peut-être radicalement simple car c’est justement le problème des Simples, faire une non-religion à deux termes avec les trois des religions, les simplifier dans leur essence et leurs rapports. Autrement dit, son problème n’est pas paulinien et encore moins hégélien, il exclut toute solution par triade d’instances ou trinité. D’une part le Christ décrit sa mission en des termes qui évoquent une médiation, pour le dire en termes grecs ou philosophables, médiation affaiblie ou lointaine entre Dieu et les hommes, écrasée et comme ayant perdu son côté divin qu’il ne « représente » pas. Il ne re-présente pas une seconde fois son⁹ Père mais le présente à la rigueur, il dit qu’il suffit de l’avoir vu pour avoir vu le Père. Il accomplit en sa personne cette médiation mais à condition de supprimer la distance infinie, à plus forte raison finie (polythéisme), à Dieu, d’écourter le circuit de cette médiation, comme si le terme moyen devait contracter l’ensemble et le prendre sur soi. Cet accomplissement d’une médiation contractée transforme l’autre côté, humain, ou assure le salut des hommes auxquels une nouvelle forme d’obéissance est du coup demandée. Ce n’est donc pas la médiation développée que Hegel verra plus tard en lui mais le médiat-sans-médiation, c’est-à-dire sans la structure complète ou triangulaire... Le Christ est le concentré ou la contraction, la conjugaison plutôt des deux Lois parce qu’il est celui qui les incarne génériquement et qui les transforme en profondeur dans le rapport de leurs instances... Les deux Lois auxquelles il est fait allusion ont une fonction générale ou une allure « commune » de médiation entre Dieu et les hommes, même si l’une va vers l’auto-médiation par Dieu ou l’Être et l’autre vers l’hétéro-médiation, si l’on peut dire, par et comme l’Autre.

LARUELLE, 2014, CF