mardi 11 juillet 2023

CHRIST, Histoire, Théologie, KIERKEGAARD

Paul suppose l’événement-Christ déjà intervenu, la résurrection déjà faite, il en fait une vérité à déclarer ou que l’on déclare comme événement déjà advenu et qui doit re-venir. Son problème est de s’identifier au Christ déjà mort-et-ressuscité et de le vivre par la procuration de sa représentation au lieu de le vivre par superposition dans la matrice de la Croix. Toute la thématique du « retour » du Christ en chacun des fidèles est affectée par ce déterminisme temporel. Si le Christ est notre contemporain il ne l’est pas par une projection du passé sur le présent sous peine d’en faire une réminiscence grecque. Ce retour ne peut pas être de l’histoire ou dans une histoire, c’est une sous-venue, l’« évolution » d’un vecteur d’état dans le sens d’une connaissance de salut, pas une re-confirmation de l’ecclésio-centrisme. La théologie chrétienne et sa religion sont comme une inversion des phénomènes réels par la conscience et la représentation, la négation du futur c’est-à-dire du sens authentique du Christ. Kierkegaard accuse justement la dialectique de ne penser que l’advenu ou le passé des contraires, de les avoir déjà survolés par le temps éternel, de ne pas affronter l’expérience de la venue des contraires. Expérience comme transcendance pour Kierkegaard mais pour nous comme transcender le plus simple, celui de l’immanence radicale...
Le message du Christ possède un aspect inintelligible, c’est au moins un fait paradoxal selon l’interprétation que Kierkegaard fait dans les limites encore de sa dialectique... Le Christ est la futuralité d’une raison kérygmatique encore théologiquement inexistante parce que d’essence quantique et qui doit être décidée ou inventée une fois chaque fois à partir des oraxiomes contenus dans le message... La nature paradoxale ou inintelligible n’est en général pas première, ce qui est ordinairement premier dans le message c’est qu’il est compréhensible d’une manière habituelle et plus ou moins immédiate mais encore macroscopique, c’est donc une apparence objective qui a sa vérité mais qui doit être générée depuis ou dans l’enceinte d’une expérience qui met en jeu une autre temporalité. Il faut admettre que la causalité historique existe mais pas le déterminisme causal et linéaire dans lequel prétend s’inscrire l’histoire classique du christianisme et des événements qui font le message et sur lequel se fonde encore l’interprétation de Paul. Celle-ci est une apparence objective, représentative ou « décohérente » qui prolonge l’inintelligibilité primaire du message au lieu de produire la connaissance elle-même non-inintelligible de cette inintelligibilité. C’est une fable sans doute comme disent les athées mais elle doit être rendue intelligible comme fable incompréhensible ou bien comme miracle théorique. Une science des miracles, voilà ce que pourrait être la science du Christ qui doit inventer le type d’intelligence qui ne nie pas le miracle rationnellement, mais l’éclaircit dans le seul mode scientifique adéquat. L’événement-Christ est un miracle théorique auquel il ne nous est pas demandé de croire mais qu’il nous est demandé d’actualiser dans la foi.

LARUELLE, 2014, CF