jeudi 6 avril 2023

HOMME, Machine, Politique, NIETZSCHE

On connaît d’ordinaire une seule tradition de l’Homme-machine. Mais il y en a deux, trois peut-être ; elles apparaissent dès qu’au découpage des objets de savoir et de l’histoire des idées dont la philosophie est coutumière, on substitue un autre découpage, celui des époques de pouvoir ou des modes de production techno-politiques de l’homme... La plus connue de ces traditions, mais non la plus ancienne, se rassemble une première fois pour prendre son départ avec Descartes. Elle combine la description anatomique et physico-médicale de l’homme avec sa fondation métaphysique ; un modèle physique et technique du corps avec un modèle technicien et volontariste de la création – réconciliation de l’homme comme créature du technicien et de l’homme comme automate de Dieu. La seconde n’est discernée et nommée qu’avec Nietzsche, qui la fait apercevoir en la dépassant. Tradition plus expressément techno-politique du corps humain, lignée peut-être encore plus ancienne que la précédente puisqu’elle trouve d’abord dans la polis, ses mœurs et sa justice, l’horizon des rapports de pouvoir, d’« hégémonie » parfois, entre l’âme et le corps, les dieux et les hommes. Cette technè propre à la polis, il faudrait commencer à la penser dans sa spécificité et sa continuité avec la « domestication » que Nietzsche voit partout à l’œuvre dans le monde moderne... Enfin la perspective proprement « nietzschéenne » du dressage et de la discipline « actifs », incluant cette domestication « réactive » et « grégaire », prolonge cette lignée-là de l’Homme-machine sans s’inscrire réellement en elle puisqu’elle doit plutôt expliquer comment la « domestication » est une mimétique et un raté du « dressage ».

LARUELLE, 2020, NET