mercredi 29 octobre 2008

HOMME > Science

L’homme n’est pas de ce monde, ni même hors du monde ; il se tient seulement en lui-même. Par son essence réelle, l’homme est invisible dans le monde ; l’homme ordinaire est un vécu immanent, le sujet d’une épreuve radicalement finie, en-deça de toute transcendance : inaliénable. Mais la philosophie lui est donnée, voire culturellement imposée, comme le mode d’emploi du monde. Les concepts philosophiques sont aussi les hauts représentants du monde, des « Autorités ».

Les « sciences humaines » actuelles sont à la fois très peu humaines et très peu scientifiques ; d’une part elles ne définissent pas leur objet-homme dans son essence réelle, d’autre part elles font cercle avec la philosophie dont elles relaient – en les rhabillant aux couleurs de l’analyse et du calcul - les préjugés ontologiques. L’homme ordinaire comme individu vivant, expérience absolument immanente (de) soi, reste ignoré, confondu avec des généralités et des attributs universels (sup)posés philosophiquement. L’essence de l’homme n’est pas une somme de prédicats universels mais la subjectivité indivise et non-positionnelle (de) soi, l’immanence radicale. Cet « oubli » constitue la différence anthropo-logique, soit l’attribution par le logos de qualités censées déterminer, et finalement partager, l’homme.

Une science vraiment humaine (cela fait pléonasme) devrait au contraire partir de l’homme, de son essence individuale, et en tirer toutes les conséquence quant aux Autorités et à la philosophie. Une science de l’homme fondée sur la connaissance immanente que l’homme a de lui-même devrait être aussi une science rigoureuse des Autorités.

La différence entre l’individual et l’individuel, c’est que le premier, transcendantal, est une instance vécue inaliénable, tandis que le second, empirique, est toujours découpé, particularisé, et finalement ramené à un universel (supposé).

Disjoindre l’homme de ses prédicats autoritaires, c’est aussi bien l’affranchir du philosophe, maître des prédicats. L’essence de l’homme n’est pas problématique et son existence à peine davantage. L’homme n’est pas un problème contrairement à l’Etre ; en tant qu’Un réel, il est tout simplement hors (de) question.

La science des hommes telle que nous l’entendons ici tire ses caractéristiques de son objet même : immanente sans être spéculative, expérimentale sans être empirique, théorique sans être théoriciste, humaine sans être anthropologique.

Une science réelle de l’homme n’est pas une philosophie devenue scientifique : la science est bien l’ambition, mais non la vocation de la philosophie. La science des hommes ne peut être que théorique c’est-à-dire foncièrement irréfléchie, à l’image des données phénoménales immédiates qu’elle est amenée à décrire. Elle revendique une naïveté contemplative, anté-philosophique, transcendantale au sens réel, là où la philosophie s’épuise dans une pratique autistique d’évitement du réel. La théorie seule est humaine en tant que radicalement subjective, contemplation vécue non-(auto-)positionnelle.

1985