mardi 7 octobre 2008

AUTRE > Déconstruction

Les déconstructions utilisent l'Autre pour "marginaliser" la métaphysique dans la mesure où elles inversent d'abord son équation fondatrice : penser = Même devient penser = Autre.

Mais ce nouvel invariant n'empêche pas la très grande hétérogénéité du concept d'Autre : dis-férence et retrait chez Heidegger, différance et dissémination chez Derrida, différence et multiplicités chez Nietzsche/Deleuze…

Le point commun ultime de ces tentatives de débordement demeure leur fidélité indéfectible à la structure de la Décision philosophique, qui est justement ce point d'articulation du Logos à l'Autre…

L'Autre est à la fois intérieur et extérieur à la subjectivité philosophique. Son usage déconstructeur militant semble porter la Décision philosophique à son comble de dis-location, mais il la conforte aussi dans sa réalité historique ultime, qui est de pérenniser l'amphibologie fondatrice de l'idéalité (l'Etre) et de la réalité (l'Autre).

La Déconstruction se présente à la fois comme l'ultime ruse et la meilleure "défense et illustration" de la philosophie. Car non seulement la Déconstruction admet cette co-appartenance systémique (qui n'est jamais que la Différence à l'œuvre…) de la Métaphysique et de l'Autre, mais elle renchérit sur la prétention de la philosophie à co-déterminer le Réel, sauf que celui-ci passe de l'Etre à l'Autre sous la forme d'un transcender absolu d'obédience d'ailleurs moins philosophique que religieuse. Mais l'identification et l'analyse rigoureuse de ces deux sources (nommément grecque et judaïque) ne peut relever que d'une science transcendantale de la Décision philosophique.

Celle-ci mettrait à jour, par exemple chez Derrida, l'ancrage de la Décision sur un élément invariant tel que le signifiant. Celui-ci est pris dans une double acception qui semble faire droit au binôme gréco-judaïque, puisque à côté de la différence relative du signifiant linguistique il y a la différence absolue et l'unicité indivisible de la Lettre. Pourtant ces deux entités signifiantes hétérogènes fonctionnent à l'unisson grâce à une identité secrète, inavouable : outre le présupposé de la transcendance (le supposé-donné en général), la déconstruction derridienne se fonde en dernière instance sur le donné empirique de la perception, le signe dans sa plus grande généralité, antérieur à sa différenciation signifiante ou à son inscription. Le signe fonctionne ensuite comme l'identité des deux espèces de signifiant et comme signifié transcendantal, pour mieux dissimuler (comme toujours) le fondement perceptif honteux de la décision.

Quant à l'empirisme en général, il constitue bien la maladie inavouable de toute philosophie ; c'est lui qui, évidemment, induit une conception de la transcendance comme positionnelle, censément constitutive du réel.

1989, 1990