jeudi 20 juillet 2023

MESSIANITÉ, Réel, Futur

Le vécu messianique est un donné mais, comme il n’est ni le rien ni le quelque chose, son mode d’être-donné est spécial, il vient-sans-venir, il naît-sans-naissance de manière immanente, du fond futural de lui-même. Est-ce à dire qu’il est objet d’attente, promesse en attente de sa réalisation ? Inattendu parmi l’inattendu, en deçà de l’attente même, la messianité est le Réel futural plutôt que la réalisation, même si le Réel sous-vient de manière immanente sans revenir à soi, restant ce rien d’être qu’il a toujours été... Le vécu est radicalement étranger pour le Tout, indifférent plutôt qu’absolument étranger, mais venant-Étranger pour le Tout. S’agit-il d’admettre sans plus le Réel ou de le poser comme axiome ? Mais s’il rend possibles ou sous-détermine des axiomes, il n’est pas lui-même l’objet de simples axiomes, il est radicalement an-axiomatique et an-hypothétique sans être cet absolu de transcendance du Bien. Il serait plutôt en deçà de l’essence, plus secret et futural que tout en deçà. Pour le dire encore autrement que de manière platonicienne, le Réel n’est pas an-axiomatique ou an-hypothétique, c’est l’axiome qui est plutôt sous-déterminé unilatéralement ou en-dernière-instance.

LARUELLE, 2014, CF

MESSIANITÉ, Paganisme, Lutte

Le simple vecteur de la messianité doit s’achever ou se compléter par la foi du sujet-fidèle, par le messie en lutte avec le monde. Devenir messie ou fidèle en-dernière-instance implique ou conditionne la lutte contre le paganisme « catholique » ou plus généralement religieux, contre la croyance et le fétichisme qui objective de manière transcendante la foi. L’ancienne religion grecque et polythéiste était un paganisme aux yeux des monothéismes, mais ce sont maintenant les monothéismes hyper-transcendants qui sont d’orgueilleuses substances par rapport à la foi qui transit le Christ... Le flux messianique de la foi doit s’achever par notre devenir-fidèle en état de lutte contre ce que nous ne sommes que trop, les croyants-du-monde.

LARUELLE, CF, 2014

PÉCHÉ, Croyance, Monde

La superposition vectoriale est la messianité comme fidélité de l’immanence (à) soi. L’événement-Christ fait émerger une science nouvelle parce qu’elle est la science du monde comme objet de la croyance, monde dont l’Être, l’Un, l’Idée ou la physis sont les modalités. Le monde est l’objet gnostique par excellence, mondialisation ou pas. La confusion de la foi et de la croyance, de la messianité et du monde est le désastre qui affecte la foi telle que révélée par le Christ, les confessions chrétiennes étant les agents et les consommateurs qui rendent « décohérente » la foi comme croyance. Bien évidemment cette décohérence destructrice est le contenu réel du « péché originel », qui est sa projection mythique... Le mécanisme de la croyance, anastrophe plutôt que catastrophe, c’est justement l’orgueil des religions, la perte du générique par l’excès de transcendance qui leur fait interpréter le péché comme une chute, alors que c’est plutôt une tentative d’élévation et de surcroissance, une négation de l’état générique des humains niant les conditions de leur salut.

LARUELLE, CF, 2014

mercredi 19 juillet 2023

FIDÉLITÉ, Christ, Ultimatum

Pourquoi l’égalité du Christ et des fidèles dans la messianité ou dans la foi n’est-elle pas un être-commun général ? Le principe de non-commutativité nous oblige à les distinguer et à nommer le Christ en sa science autrement que « simplement » fidèle. Il est le fidèle de-dernière-instance, ou l’avant-premier fidèle. Et tout fidèle, s’il suit le Christ, d’une part n’est plus quelconque, mais s’éprouve comme communauté et corps générique – c’est la posture de la foi libérée de la hiérarchie consubstantielle à l’ecclésio-centrisme, aux Églises et aux sectes – et d’autre part mérite d’être nommé lui aussi fidèle de-dernière-instance. Pour le dire encore autrement, Christ et le fidèle sont un ultimatum posé comme ultimation de la foi ou comme fidèles-en-lutte. Ultimatum qui est le contenu du nouveau kérygme comme annonce faite au monde d’une « stérilisation » par fidélité des grandes cités spirituelles, l’entêtée Jérusalem, la transcendantale Athènes, la mystique Byzance et la catholique Rome qui les ré-unit. Le fidèle eschatologique vaut messie, n’importe quelle parole fidèle est un ultimatum apposé aux portes des Églises.

LARUELLE, CF, 2014

DIEU, Christ, Sujet

Comment contracte-t-on une dualité philosophique quelconque ou théologique comme celle de Dieu et de l’homme, comme le doublet théo-christo-logique si on ne la contracte pas ponctuellement comme mort de Dieu ou mort du sujet ? Le retrait de Dieu ou sa mort est un redoublement subreptice par invagination de la transcendance extatique. Le Christ est la superposition de Dieu et du sujet, son œuvre immanente est de les « additionner » de manière idempotente en sa personne de telle sorte que leur distinction, leur discernement et leur individuation deviennent impossibles. La superposition n’est évidemment pas une identification totale et imaginaire de Dieu et du sujet se mirant l’un dans l’autre, identification qui est au fondement de la mystique et de l’idéalisme philosophiques dits « allemands ». Elle procède autrement, sans spécularité ni spéculation. Elle réduit le premier à l’état de flux vectorial d’immanence évanouissante, disparaissant de l’horizon de la transcendance, et le second à l’état de sujet agi par le flux messianique. En Christ, Dieu et le sujet ont le même vécu duel, un seul vécu-pour-deux qu’ils partagent sans le diviser.

LARUELLE, CF, 2014

FIDÉLITÉ, Messianité, Homme

Dès qu’il est ressaisi et statufié par le religieux, le Christ comme émergence de cette science de salut semble laisser son œuvre en quelque sorte inachevée, ce qui a pu susciter l’espoir ou l’imagination d’un retour, d’un second essai non plus militant mais triomphant. Mais si le fidèle est nécessaire pour rendre intelligible ce savoir qu’il est, c’est aussi en tant qu’il achève par sa fidélité cette science-en-Christ sans la fermer, qu’il somme ces vecteurs sans l’épuiser... Il n’y aura pas de retour ni même de nouveau tournant apocalyptique de l’Histoire, la messianité comprise rigoureusement avec des moyens d’ordre plus scientifique que mythologique épuise une fois chaque fois son essence et ne multiplie ses effets qu’en fonction des occasions. En revanche la science-en-Christ exige que nous n’allions plus au monde que par elle c’est-à-dire par la foi, et sa force est toute de lancée droite et unifrontale... Nous les humains, nous sommes la face unique de la messianité, nous sommes des messies unifaciaux et non des messies individuels fondateurs de secte. C’est à nous les fidèles d’achever ou d’actualiser la messianité, nous sommes les fidèles de-dernière-instance parce que nous sommes agis, sans doute, mais par le non-agir christique. Notre foi est éternelle comme cet agir, elle n’a rien de passager et contingent comme nos croyances.

LARUELLE, 2014, CF

MESSIE, Christ, Retour

La question n’est pas, que dois-je attendre de la venue ou du retour du Christ comme d’un envoyé providentiel, comment l’attendre et quand viendra-t-il, que puis-je espérer, moi homme mondain ? Ces questions sont de croyance, philosophiques et désespérées, une réponse et même une telle question sont ici la destruction immédiate de la messianité... En revanche il est toujours possible de formuler des oraxiomes sur le non-être de la messianité à laquelle nous participons, sur son inexistence et son secret puisque le secret est oraxiomatiquement formulable, quoique forclos à la théologie. C’est pourquoi nous disons qu’il sous-vient comme générique plutôt qu’il ne le de-vient philosophement, plutôt qu’il ne sur-vient comme un héros ou un « sauveur » et plutôt aussi qu’il n’intervient comme une « providence » dans le cours du monde. Nous non plus, car il s’agit en réalité de nous, « chrétiens », nous n’avons pas à le devenir ni à l’être au sens substantiel ou bien subjectif de ces philosophèmes, comme on est ou devient philosophe. Nous avons à sous-venir comme ce que nous sommes, des fidèles qui peuvent être parfois des « sans-religion »... Par sa messianité la science-en-Christ ne cesse de sous-venir d’une incessance de venue, c’est sa forme d’actualité et d’éternité. Il n’y a pas de « retour » du Christ, encore moins un éternel retour, mais une éternité de sous-venue qui se suffit, qui n’est pas une attente judaïque vide et passionnée.

LARUELLE, 2014, CF

CLONAGE, Transcendance, Messianité

Comme Dernière Instance, la messianité est une superposition et donc un processus de relance vectoriale, la reprise fait partie de son essence même. Chaque relance une fois chaque fois sous-détermine la double transcendance théologique qu’elle traverse et dont elle est relativement inséparable, abaissant sa puissance à l’état particulaire... Nous savons que la messianité est un phénomène ondulatoire qui traverse de manière immanente, sous la forme « tunnel », donc en ascendant mais sans transcender une seconde ou une nouvelle fois à l’infini les montagnes de la transcendance... Mais l’effet de la messianité ne se résume pas au seul passage, ce passage de l’immanence vectoriale à travers la transcendance détache de celle-ci ou la réduit à une forme simplifiée qui ne s’ajoute pas à la transcendance, c’est plutôt sa transformation par soustraction ou abaissement de sa nature de doublet. La messianité est ondulatoire et donc relève de la vectorialité et du nombre imaginaire noté racine carrée de -1 qui a un effet soustractif. L’effet de ce passage immanent est de réduire le corpuscule à une transcendance simple, de supprimer le doublet d’origine. On dira que la transcendance simple est la forme-clone de la transcendance double, que le sujet-fidèle est le clone du sujet transcendant(al) de la philosophe. Le clonage est une répétition elle-même immanente de la transcendance, donc soustractive ou dépotentialisante... La véritable force du clone est qu’il se détache des données du monde pour acquérir un statut théorique et ontologique (« réel ») plus élaboré, il est onto-vectorial. Le sujet-fidèle est sous condition messianique et peut transformer le monde, ce sont ses « œuvres », parce qu’il est le premier transformé par la messianité. Le fidèle est « à l’image » du Christ et nullement à celle de Dieu. Le clonage est le passage des sujets de l’image de Dieu à celle du Christ.

LARUELLE, CF, 2014

SUJET, Générique, Christ

Entre la science comme Christ et la philosophie, entre le flux de la messianité et l’individu qu’elle sous-tire à l’enfer du monde et transforme en fidèle, le « sujet » est une notion ambiguë qui a plusieurs aspects ou passe par plusieurs phases. Récapitulons. D’une part il y a le Christ avant-premier comme science-sujet générique ou Dernière Instance, c’est la superposition de la condition algébrique minimale, l’idempotence, et du vécu qu’elle neutralise. Ce vécu est d’origine doxique quelconque mais, devenu générique ou non-égologique, non-individuel, il est passé à l’état de messianité immanente. Sa forme générique exclut la forme-conscience ou la forme-ego qui sont rejetées comme représentations mondaines ou contraires à la nature ondulatoire de la messianité. Il y a donc un vécu générique du Christ comme science, le Christ n’est pas un individu singulier du monde ni une entité ontologique, son universalité qui prend en charge les humains est d’une autre nature que celle de la philosophie qui « prend en souci l’étant en entier ». Mais il peut toujours être confondu par la philosophie elle-même avec le sujet transcendant de celle-ci. La philosophie a tout intérêt à confondre les deux états, messianique et philosophique, générique et général, sous le nom de « sujet » et de là à lui identifier l’homme en général ou l’humanité abstraite... D’autre part, à l’autre extrémité, celle du monde, il y a justement le sujet philosophique mondain qui se croit en soi ou se veut « suffisant ». Mais sa fonction ou son usage sont désormais complexes. À la philo-théo-logie et à leurs divers sujets, la science-en-Christ accède de droit et lève toute suffisance, fait tomber en-immanence ou en-messianité toute transcendance... On appelle aussi « occasionnelle » cette variable libre de la fonction messianique et qui joue le rôle de symptôme. Mais entre ces deux « sujets », l’un comme Christ pleinement générique, ou messianité, l’autre simple occasion du salut générique, il y a le sujet fidèle configuré par la messianité, le messie qui hante le monde. Ce sujet est ce qui est transformé du symptôme par l’immanence messianique, c’est le sujet fidèle ou en-lutte contre les croyances du monde... Il est celui qui est sauvé et qui donc peut être à nouveau happé par le monde et son attraction. Le salut ne peut pas être un acte absolu ou « religieux », sans prémisses, comme prétend l’être la création ex nihilo. C’est bien une grâce mais nous distinguons entre une grâce absolue, autoritaire et tissée dans les présupposés gréco-judaïques, et une grâce radicale qui prend les humains à leur racine vectoriale. Comment pourrions-nous être « sauvés » si nous ne l’étions pas déjà sans le savoir, ou sans être ce savoir du salut qui ne se connaît pas encore actuellement ? Si la messianité possède un certain agir, c’est de sauver les humains et d’en faire des messies... La damnation est de croire que rien ne peut nous sauver parce que nous ne savons comment, par quels moyens et par qui nous le sommes. Nous sommes l’épreuve du salut dont nous ignorons presque tout. Pourtant nous avons le sentiment d’avoir été sauvés malgré notre ignorance longtemps maintenue des moyens nécessaires pour l’avoir été. « Dieu fait homme » ou « l’homme fait messie » ?

LARUELLE, CF, 2014

SCIENCE, Sujet, Fusion

La science cherchée ici est celle de la philosophie comme objet mais elle doit inclure un aspect de celui-ci dans sa problématique ou son dispositif... Aucune science ne peut se réduire à son axiomatique toujours trop courte, son axiomatique n’est jamais suffisante pour une science qui reste ouverte à un dehors, ici la science reste ouverte à des mutations ou à des énoncés nouveaux de la philosophie, et même simplement à sa « suffisance » ou à sa prétention à exister en soi et pour soi. Abandonnant l’idéal du tout-axiomatique comme suffisant, nous sommes obligés d’admettre que cette science ne peut présenter ses deux principes majeurs d’usage quantique qu’en les interprétant une première fois en fonction du sujet ou du vécu, supposé donc déjà inclus non thématiquement dans les principes eux-mêmes. Idempotence et non-commutativité ne peuvent être simplement des propriétés algébriques « brutes » mais sont élevées à l’état de principes scientifiques et doivent être comprises comme tels. La fusion de la Dernière Instance est donc inscrite dans la description de ces principes... L’idempotence peut être décrite ou se décrire elle-même comme un sujet silencieux ou semi-parlant, sous-pratiquant la philosophie, Logos et Torah. Elle se décrit alors comme de l’« analytique fort » et du « synthétique faible », l’un au bord de l’autre, ou comme médiat-sans-médiation, comme mi-lieu générique qui n’est pas une moyenne entre les deux composants religieux, mais justement leur dualité unilatérale. Comme analytique fort, elle fusionne, c’est sa « force » (faible), avec le sujet comme donnée extérieure mais sous la condition de le réduire analytiquement au seul vécu ou de le reproduire analytiquement seulement comme vécu. Comme synthétique faible, elle fusionne avec le sujet, mais en s’augmentant du seul vécu sans s’augmenter de l’ego qui tombe hors de l’analytique. La fusion requiert les deux aspects, analytique et synthétique mais se modérant l’un l’autre, c’est la condition d’un « Même » générique enfin non-philosophique.

LARUELLE, CF, 2014

mardi 18 juillet 2023

DIEU, Messianité, Générique

On peut imaginer le sacrifice auquel l’ancien Dieu a dû consentir lui-même pour devenir grâce messianique. Le Dieu-Autre ou l’« Autre-homme » a dû pouvoir se superposer aux humains pour les transformer, devenir principe de Même, idempotence c’est-à-dire fidélité à toute épreuve, abandonner ses rêves de toute-puissance et de création du monde. Il a fallu un forçage, mais tout immanent. Contre les philosophes, le Dieu universel devient générique, contre les juifs, le Dieu-Autre abandonne sa hauteur ou à la rigueur refuse d’envoyer son Fils à la mort. Il a fallu que le Dieu juif devienne grâce immanente, que l’Autre sous-vienne comme ce Même qui ne revient pas et auquel sa fidélité suffit. Comme générique, le Fils est plus que « rencontre » dialectique, il est la superposition de l’homme et de l’ancien Dieu qui va permettre à l’homme-monde de participer à la messianité. En sa personne, Dieu se plie à la loi de l’immanence nécessaire à la science, les hommes abandonnent leur individualité et sous-viennent libérés de leur ego. Qu’est-ce que le salut sinon la sous-venue dans le sein de l’immanence générique c’est-à-dire du Christ ? Non pas tant la perte de son ego que de la suffisance de cet ego, l’obéissance à la Nouvelle Loi de la messianité.

LARUELLE, CF, 2014

DIEU, Sacrifice, Croix

La nouvelle Loi est en cours et à l’œuvre en chacun de nous, qui sommes à ce titre messie, la messianité est en sous-venue pour accomplir la Loi en la personne du Christ et non pas extérieurement... Dieu trouve alors une nouvelle fonction, il est le masque qui dissimulait la possibilité d’une science des religions, il l’empêchait de pouvoir s’établir. C’était à sa manière un Malin Génie qui rendait la science impossible et laissait faire l’imaginaire psycho-religieux... L’on passe à la science-sujet non-chrétienne par le sacrifice de la transcendance divine, sacrifice de Dieu qui sur la Croix abandonne sa transcendance en se superposant aux humains... Cet aspect sacrificiel est l’effet d’abaissement ou de dépotentialisation par la superposition c’est-à-dire de la sous-venue transfinie du Christ ressuscité. Dieu est-il « mort » ? Plutôt transformé, ayant perdu son statut de grand manipulateur, mais pas à cause du monde et de la société nihiliste avec laquelle il s’entend assez bien et peut passer des contrats ou des concordats. Une science des humains a été inventée chez les gnostiques, une constante générique découverte qui a repris à Dieu sa place de constante et fait éclater le doublet théo-christo-logique. Le « sacrifice » de Dieu permet aux humains d’incarner à leur tour la constante ou la Loi... À partir de là, tous les hommes sont égaux, mais génériquement, ce n’est pas une égalité abstraite à la manière de l’universalité paulinienne, ils sont égaux en-dernière-humanité comme sujets génériques dans la science.
La dualité générique assemble unilatéralement Dieu ayant sacrifié sa transcendance et le sujet libéré de la servitude de la Loi mais toujours (sous)-déterminé comme obéissant. Dieu sacrifiant son Fils c’est une image juive du sacrifice, le Fils tuant le Père et le sublimant d’autant mieux c’est une image grecque du sacrifice, le Père sacrifié ou abaissé pour que naisse le Fils, c’est la vérité gnostique... Dieu doit être abaissé ou son origine sacrificielle elle-même suspendue, c’est tout ce que la science peut exiger de la religion et de lui, pas sa « mort » métaphysique ni son refus athée et matérialiste.

LARUELLE, CF, 2014

ASCENSION, Dieu, Christ

L'ascender vectorial a pour effet d’abaisser d’une toute nouvelle manière et définitivement la transcendance, la réduisant à une forme simple ou particulaire. L’Ascension est donc aussi abaissement de la divinité que la théologie supposait absolue du Christ. Elle donne son sens à la Croix, la rend nécessaire comme abaissement de Dieu, l’Ascension du Christ ne supprime pas la dimension divine du Christ qui se substituerait à Dieu ou lui emprunterait sa place, mais elle abaisse cette dimension ou la soustrait à son image spéculaire, détruit donc le doublet théo-christo-logique. Le Christ est complémentarité unilatérale de l’ascendance messianique et de l’abaissement de la croyance qui assiège la foi des fidèles. L’Ascension est l’amplitude christique de la pensée, non un événement extérieur et merveilleux. Il n’y a pas de dialectique de l’Ascension et de l’Abaissement mais un ascender pour ne plus transcender indéfiniment... Dans la perspective quantique, l’Ascension est la superposition du Père et du Fils comme entités complexes ou vectoriales, plus exactement la superposition du Fils comme vecteur du quart de tour et du Père réduit au Fils, à ce qu’il reste de divin dans le Ressuscité c’est-à-dire à la messianité générique. Comment, dit vulgairement, le Fils n’engendrerait-il pas le Père ? Ou plus scientifiquement, comment la communauté générique des Enfants ne serait-elle pas la déduction immanente de la vie du Père ?

LARUELLE, 2014, CF

CROIX, Quart de tour, Vecteur

Pourquoi dans le récit historique le quart de tour imaginaire n’a-t-il aucune fonction particulière, génétique et vectoriale ? Pourquoi l’Ascension disparaît-elle comme moment théorique fondamental entre la Crucifixion et la Résurrection supposée achevée ? Justement parce que la lecture théologique est historique et se calque sur le cours du temps ou le cours du monde que parcourt le cercle de la Croix comme déjà donné positivement, cercle répété dans les sacrifices achevés et fermés, susceptibles de répétition. En revanche le quart soustractif définit la vectorialité ou la fonction d’onde qui a lieu hors de l’espace circulaire et lui donne sa matérialité de vécu-sans-vie. Lui seul peut définir le vecteur d’état de l’événement-Christ et redresser, et plus encore c’est-à-dire inclure et conditionner le cours du monde dans le sens futural de salut. Le quart de tour met en jeu un vecteur comme module et phase, c’est par rapport à la représentation théologique un vecteur « imaginaire » et complexe qui se situe dans un autre espace que le perçu et le géométrique... Justement, l’ébranlement du cercle du monde et de son auto-perception commence par la mise en croix convexe et non plus par la convexité du cercle lui-même, la mise en relief convexe de la Croix exige la division en quarts, première opération qui annonce l’ébranlement du vieux monde et des anciennes formes archaïques de sacrifice. Mais perçue comme convexe ou exorbitée, à plus forte raison comme concave ou inorbitée, la Croix est encore un mélange gréco-judaïque dominant le christianisme. Lorsque le quart sera enfin compris quantiquement non plus comme convexe mais comme lui-même concave ou racine carrée de -1, lorsque la puissance théologique de la Croix sera elle-même anéantie ou la Croix abaissée et le cercle théologique avec elle, privée de sa puissance positive et mortifère comme grand objet de croyance, le Christ aura accompli sa sous-venue, achevé sa migration hors du sein du Père. Auront triomphé la messianité et la fidélité. Resteront au titre d’apparences objectives de la croyance et de la théologie, le sinistre face-à-face des anciennes figures de la domination autoritaire et barbare que sont Dieu et la Croix de son Fils comme le calvaire qu’il aura lui-même dressé.

LARUELLE, CF, 2014

ASCENSION, Résurrection, Création

Résurrection et Ascension sont des phénomènes de matérialité et trouvent leur dernière explication dans un ascender, essence de l’acte vectorial de superposition ondulatoire qui reste le Même comme idempotent. Évidemment ce n’est pas supprimer ce qu’il y a de « miraculeux » en elles car la notion d’un ascender ondulatoire idempotent, analytique fort et synthétique faible, est tout aussi mystérieuse qu’elles, mais aussi naturelle que l’algèbre de la quantique. L’Ascension non-extatique correspond à la propriété algébrique de l’idempotence et c’est une Surrection pure, qui, comme toute loi scientifique, n’a pas en un sens d’autre justification qu’elle-même, finalement axiomatique... Pourquoi ne pas autant s’étonner de cette propriété merveilleuse de l’algèbre qui prescrit, une fois matérialisée, que toute immanence est ascendance ? que s’il y a un plan d’immanence il ascende, sans doute à cause de sa nature qui est vectoriale ou angulaire et l’assujettit à une phase ?... La Résurrection n’est pas une nouvelle création ou sa répétition, mais la toute première fois où justement il y a enfin une création dans ce monde qui ne soit pas la répétition d’une procédure mondaine ou d’un phénomène rebattu de la pensée. Les gnostiques commençaient à penser plus rigoureusement mais encore religieusement, ils pensaient la création divine comme ratée, il devait y en avoir une autre par le Christ pour enfin réussir celle qu’un Dieu défaillant avait manquée. Mais pour les gnostiques quantiques il n’y a jamais eu de création du monde ou dans le monde, c’est le monde qui est « méchant » ou « mauvais » et par voie de conséquence Dieu qui a prétendu le créer et hésite parfois à l’assumer. Mais le Christ est l’avant-première création de nouveauté et qui prend l’ordre des choses par où il faut le prendre, par la futuralité qui n’est pas dans l’ordre du temps, sinon à le hanter comme un Étranger, le seul qui vienne de plus loin que d’Élée... Quant au Tombeau, il recueille celui qui fut un vivant et qui va recevoir cette fois le vécu-sans-vie... L’Ascension à la fois emporte et abandonne le cadavre... Si l’on contracte comme indivisibles les phases du récit des Évangiles, on obtient un Christ de Schrödinger, le Ressuscité et son cadavre étant superposés. Mais l’Ascension est plus intimement encore sous la condition de la résurrection en ce qu’elle relance le vécu comme soustrait à la vie, absence qui n’est pas une idéalisation. Le Tombeau vide = 0, représente ce que nous appelons le vécu-sans-vie, délivré du sujet humain et du corps individuel. Le vécu lui-même n’est pas une généralisation qui peut être attribuée à quantité de phénomènes non-humains, il se distingue de la vie quelconque, c’est du vécu au sens générique donc humain. L’humain est vivant, sans doute, mais c’est la vie rendue humaine comme dirait Marx, et aussi la mort rendue humaine c’est-à-dire vécue. Et si le vécu matérialise l’ascender, celui-ci comme superposition est la forme même du vécu et distingue la « vie » rendue humaine ou générique des autres formes de vie. Quant à la Résurrection, elle est bien celle des « corps », manière de s’opposer à tout idéalisme grec, encore qu’il s’agisse toujours d’une lecture en fonction du monde et non de l’Ascension. Ce n’est certainement pas la séparation de l’âme-comme-Idée et du corps matériel, ni même le dédoublement d’un corps spirituel et d’un corps mondain telle une génération de fantômes ou de morts-vivants. C’est une séparation de la vie abandonnée au monde et du vécu qui lui est enlevé et superposé avec soi. Seul le vécu-sans-vie saisi par l’idempotence peut ascender ou se faire ascension. La vie est morte, le vécu est ressuscité, non pas recréé mais séparé de la-vie-la-mort.

LARUELLE, 2014, CF

INSURRECTION, Messianité, Soulèvement

L’insurrection est un phénomène vectorial, une matérialité vécue structurée algébriquement ou encore plus intuitivement un ascender ou un phénomène ondulatoire naissant. Et le propre de l’ondulatoire est d’être un ascender sans extase objective. L’insurrection est avant-première et met l’ordre historique de la résurrection ou de la révolution se voulant premières sous condition. C’est la tâche des fidèles de soulever le monde comme une vague et de l’expirer comme un souffle. Les révolutions sont la manière dont l’histoire respire et souvent meurt d’étouffement. La messianité n’a jamais été une diachronie plus ou moins directe, mais un soulèvement dont l’effet est de réduire les dominations et de les conduire à leur chute dans l’immanence... Le modèle vectorial permet de penser le pur soulèvement sans le référer à un site, ce n’est même pas l’événement comme partie d’un site nommé, il n’est pas plus é-vénement qu’ex-istence, que l’ex- qui est une répétition du ex nihilo de la création, un résidu théologique. La surrection est une ascendance ou une phase qui ne va pas encore à la trans-cendance, le surgissement de l’ex-sistence en tant qu’il ne va pas à l’extase se perdant dans l’objet. Autant l’existence se referme en soi et se sature du monde, autant le sous-lèvement n’est pas encore affirmation de l’existence mais son abaissement. Le sous-lèvement est ce qui sous-vient sous la levée, ce qui se lève sans se relever. Le soulèvement n’est ni ontologique ni existential mais humain et générique, en tous cas c’est ce qui sous-détermine et ne relève pas... L’immanence de l’onde comme ascender simple ne se voit pas comme se voit la particule. Son angularité de phase ou son inapparente épaisseur n’apparaîtra que plus tard avec la chute de la transcendance, et d’ailleurs apparaîtra comme verticalité inversée, comme la chute de la grande idole... Ascente vectoriale de l’immanence et descente de la transcendance corpusculaire non pas en elle-même mais en-immanence, ces deux phénomènes vont ensemble... Quant à la « chair » qui est d’emblée « incarnation », elle est cette non-séparabilité et cette non-localité du clone comme particule, portée ou apportée par l’onde de vécu. Autrement dit, la foi est la chair elle-même en tant que corrélat de la messianité et sous-déterminée par elle. Le corps glorieux ou la chair fidèle sont le même.

LARUELLE, 2014, CF

ASCENSION, Superposition, Fils

L’« ascender » vectorial du Fils ne peut être que la superposition du Père et du Fils, avec la mort du Père autoritaire, persécuteur et sacrificateur... La plus grande prudence est nécessaire dans le cri « Christ est ressuscité ! » qui répond au constat du Fou nietzschéen « Dieu est mort, nous l’avons tué »... Nous devrions pouvoir dire non pas « Christ est ressuscité, nous l’avons ressuscité ! », mais « Nous sommes ressuscités en-Christ »... La foi est l’expression de la superposition du Père et du Fils sous le Fils dans l’Ascension, comme si l’idempotence du Fils se substituait à la toute-puissance du Père.

LARUELLE, CF, 2014

RÉSURRECTION, Mort, Ascension

Nous manquons d’une phénoménologie scientifique c’est-à-dire quantique de la mort et de la résurrection. Ressusciter peut se dire en grec soit « éveiller » soit « relever » ou « se relever ». Il s’agit dans ces infimes nuances de la différence entre une interprétation vectoriale et une interprétation dialectique qui se fonderait finalement sur l’ontologie de l’être et du néant. La vectoriale s’oppose à l’idée de la mort absolue, de la mort-néant, au tombeau-comme-vide-absolu et éventuellement au travail du négatif qui fait la substance d’abstraction de ces théories. Elle la conçoit comme mort radicale ou « maladie à la mort » (Kierkegaard), celle d’où Lazare est tiré par Jésus lui ordonnant de se lever. La mort doit donc être un fond moins abyssal que ce qu’en postulent les philosophes (Hegel, Heidegger, Badiou), moins un tombeau vide qu’une crypte, qu’un « tombeau-comme-vide » habité de cadavres, occupés par des corps victimisés. Quant au lever, relever, se relever, très peu de chose le distingue évidemment de l’éveil gnostique ou chrétien, voire du réveil et de la sortie grecque du sommeil des morts. Entre relève des concepts, relève d’une garde, relais d’une course, lever des enfants ou levée des corps, toutes les amphibologies sont possibles. Toutes ces nuances ont en commun la forme d’une ascension mais une seule a la forme et la simplicité vectoriale d’une phase, d’une ascension non-extatique comme simple amorce d’une transcendance qui ne se ferme pas ou d’une mouvance ouverte qui peut se clore ou s’achever sur soi mais pas en soi... L’interprétation vectoriale de la Résurrection retrouve ce que cette opération a de dynamique, d’ascendance sans extase (racine carrée de -1) c’est-à-dire de messianique. La messianité du facteur-messie est l’origine radicale de la Résurrection, l’Ur-Transcendenz qui n’est pas encore la transcendance du « Dasein » ni l’« Ur » d’où… Abraham est parti. La messianité est ce qu’il y a de continu, sinon de répétable, dans la levée subjective, d’émergence ou de « relève » à partir non pas du fond du tombeau vide mais du vide comme fond du Tombeau... On revient du tombeau inerte et « mort » mais pas du néant comme le croient les créationnistes que sont les théologiens et les philosophes. La Résurrection n’est pas une création mais une reprise ou une relance de l’onde de vécu. L’Ascension est le sens phénoménal de la Résurrection, le noyau vectorial de toute levée, et relève avant qu’elle ne s’enferme en elle-même ou ne sombre dans la clôture d’un événement historiquement saturé... Résurrection n’a aucun sens empiriquement imaginaire ou factuel, ce n’est même pas un événement clos sur lui-même, mais un processus transfini de phases. Elle n’est même pas un événement qui se dresse si ce n’est par sa reprise idempotente, parce qu’elle est le tout premier commencement de l’événement, ce qui du flash du Logos sort du tombeau de la nuit, dont la radicalité d’émergence fait la christophanie. La Résurrection est certes achevée à chaque instant, mais elle se continue en nous sans se fermer ou s’enfermer. Elle n’est pas éternelle comme un actuel présent, on dira qu’elle est futurale... Comme disent les Évangiles, le Christ n’est pas vu ou visible par une opération des sujets, il se fait voir... La fidélité ne consiste pas à voir pour croire ni à croire pour voir, mais à être des sujets remplis par superposition de l’image du Christ plutôt qu’ils ne s’en remplissent par un acte intentionnel. La Résurrection est générique et peut donc être individuelle, mais pas l’inverse, et dans cette limite on peut dire que les fidèles sont des « voyants » en un sens voisin de la psychanalyse parlant d’« analysants ». Le Christ ressuscité est davantage une icône qu’une image perçue d’après la présupposition du monde, c’est le noème d’une intention générique, non-individuelle.

LARUELLE, 2014, CF

CROIX, Messianité, Ascension

La messianité est le contenu réel de la Crucifixion. Le contenu réel de l’Évangile n’est pas son contenu apparent, il doit être compris selon une « logique » algébrique ou « quartielle » plutôt que « partielle », comme un événement qui n’est ni total ni partiel. C’est moins un tournant ou une conversion de la pensée qui est ici exigé qu’un quart de tour négatif, « impossible » ou « irrationnel », une uni-version futurale ou une entrée dans la sphère de la vectorialité. Le quart de tour n’est pas une abstraction du cercle théologique, c’est un vecteur identifiable dans l’Ascension, qui est le moment souvent délaissé et le plus invisible du phénomène christique, le moins empirique ou le moins historique. Nous comprenons la Croix depuis la Résurrection et l’Ascension, non l’inverse, qui est confusion du mouvement réel ou futural du Christ avec le mouvement apparent du christianisme... La Résurrection et l’Ascension sont plus que premières, elles forment moins une inversion du cours historique qu’une uni-version ou une ultimation avant-première, générique plutôt que philosophique. Comme phénomène vectorial, l’Ascension ne peut pas entrer elle-même dans un ordre plus puissant qu’elle, le Ressuscité fait plus qu’inverser le sens empirique et rationnel de l’histoire, il l’uni-verse quantiquement et génériquement, transforme futuralement l’ordre en fonction de l’Un-en-Un qu’est le quart de tour imaginaire. Ainsi la Résurrection ou l’Ascension sont non-commutables avec l’histoire qui s’ensuit et qui prétend les englober. Le Réel du Christ sous-détermine l’ordre nouveau qui n’est plus déterministe, du passé vers le présent mais sans simplement l’inverser ou le nier puisque la Résurrection est futurale, et le Christ ressuscité le futurum, si l’on peut dire, ou l’ultimatum qui sous-vient au-devant des sujets-monde infidèles mais « évangélisables »... Le Christ est l’événement qui, sans détruire le cours général du monde, l’abaisse dans sa toute-puissance ou le transforme en le ré-orientant-messie. C’est pourquoi l’Ascension est ce qui sous-détermine la Croix et lui donne sa futuralité, les aspects de récit théâtral ou dramatique étant des effets secondaires... La Résurrection et par conséquent la Crucifixion sont profondément contraires à l’esprit de la tragédie et du sacrifice qui est celui de la philosophie... Comme événement de « réconciliation », la Résurrection serait un miracle assez misérable, un objet de croyance réglé par l’histoire et agité par les Églises, une sorte de happy end. Si le miracle existe, c’est dans une tout autre économie temporelle, sous une forme virtuelle autant que faire se peut mais il n’est ni premier ni dernier dans la série de l’histoire, il est avant-premier, étranger à cette histoire mais agissant en son sein.

LARUELLE, CF, 2014

CROIX, Ascension, Sacrifice

Le déterminisme historique de la théologie doit être mis en question. Il transforme le sacrifice du Christ en « cause première » du christianisme d’Église... Autre chose pourtant, un événement inouï a dû se produire virtuellement ou est en cours de sous-venue, la résurrection du Christ et son ascension, une nouvelle amplitude de l’histoire. Descente au tombeau, Résurrection et Ascension ne peuvent être que les phases d’un même événement et devraient pouvoir se lire, mais ils ne se liront justement pas, à même le vide du tombeau. Si la Croix se comprend sur le modèle de ce qui se passe dans une matrice générique, elle est plus complexe que le rite d’un ensevelissement et ne relève pas de la logique de séquences temporelles isolées ou reliées par l’imaginaire d’un « sens » qui serait finalement aux mains de Dieu... Le tombeau vide est une enceinte expérimentale qui appartient à la Croix c’est-à-dire au processus de la Résurrection, pas un fondement, elle fait partie des axiomes du programme qu’est la sous-venue du Christ vivant, si ce n’est que le christianisme s’est empressé de morceler cette venue et de la plaquer sur le « bon sens » d’une histoire à raconter aux croyants. La Résurrection elle-même est menacée si on la prend comme événement historique. Son isolation des autres moments, son institutionnalisation comme dogme fondamental et fondateur de la foi risque d’inverser sa futuralité et de reléguer l’Ascension au rang d’effet terminal et de conséquence, comme la résultante d’un processus, et de la transformer en objet de croyance fantastique. De notre point de vue, l’Ascension qui est souvent passée sous silence ou moins accentuée, comme un effet qui suit de la Résurrection, est avec celle-ci l’opération plus que fondamentale – avant-première – qui sous-détermine le sacrifice et la nuit obscure du Tombeau.

LARUELLE, CF, 2014

CROIX, Matrice, Résurrection

D’habitude, la Croix est tout de suite interprétée symboliquement par le sens qu’elle a reçu plus tard, or c’est un objet dont la perception intuitive et conceptuelle est ambiguë et relève de procédures quantiques. Image picturale ou symbolique, peu importe son usage théologique ou artistique, nous le mettons provisoirement entre parenthèses, une phénoménologie de la Croix doit la considérer plus profondément dans sa matérialité de matrice... Dans l’interprétation de la Croix, il est essentiel de ne plus penser historiquement, de manière déterministe et macroscopique. C’est un bloc phénoménal indivisible. Nous tenons d’une part qu’il s’agit d’une double mort, celle de Dieu à travers celle de l’individualité singulière de Jésus, et d’autre part nous ne séparons pas comme deux séquences historiques la Crucifixion qui mène au Tombeau, et ce qu’il est convenu d’appeler la Résurrection ou la « montée » du Fils auprès du Père, l’Ascension... L'ensemble de la Croix et de la Résurrection interprété comme matrice complexe et non par moments séparés montrera que l’Ascension comme superposition et non comme synthèse ou relève finale, est bien ce qui arrache la Croix à son sens « religieux » barbare et la sous-détermine comme ce que nous appellerons un sacrifice suspendu... Si elle n’est pas seulement un matériau comme un autre pour une science et si son contenu générique est manifesté de manière scientifique, c’est que la Croix est une idéalité mais matériale, un phénomène matérial-apriorique, une fusion ou une superposition de matière et de significations apriorique.

LARUELLE, CF, 2014

CHRIST, Croix, Christianisme

La folie de la Croix est le cœur du christianisme surtout occidental, c’est l’interprétation de Paul, d’un juif converti et qui la reçoit comme le paradoxe de deux langages inconciliables qui semblent appeler une dialectique... Le mélange de la Loi et du Logos sous l’autorité de l’un ou bien de l’autre est assumé finalement par le Logos et ne va plus cesser de retentir en lui et de le troubler... Le Christ, lui, n’a pas à se convertir, pas plus qu’à être circoncis, il n’est donc pas sûr que son mystère réel se réduise à la complexité ontologique et symbolique ou idiomatique de la Croix... Le Christ peut-être ne se contente pas d’« accomplir » la Loi, mais procède autrement et se défait du cadre onto-théo-logique ancien. Quelque chose comme une « mort de Dieu » plus profonde que sa mort « morale » et « moderne » devient possible. Ne faudrait-il pas dire dans un esprit gnostique que Christ est venu « accomplir » Dieu lui-même en le soustrayant à son cadre gréco-judaïque ? que la Résurrection est le vrai sens de la mort de Dieu et que le Crucifiement, cette obsession morbide de l’Église, a été surexploité au profit de Dieu et de son autorité accusatrice et pour le bénéfice de l’Église ? En revanche, si nous soutenons que la voie de la messianité seule réelle a été renversée et théâtralisée par le christianisme historique, la charge nous reviendra de donner une autre interprétation « ontologique » et « symbolique » de la Croix en fonction de la Résurrection. Si la « conversion » comme acte du devenir-chrétien est le renversement déterministe et mondain de la Résurrection, une interprétation subjective et générique du doublet théo-christo-logique est notre objectif... Christ est la condition sous laquelle le croyant peut être uni-verti à la foi, arraché à sa suffisance de juif ou bien de grec converti. Paul est terrassé comme juif, illuminé comme grec, c’est la folie d’une collision de deux mondes qui reste transcendante... Sous cette forme la Croix représente l’amorce inachevée, toujours livrée à la transcendance du religieux, de la matrice générique. C’est le triomphe ultime de Dieu sur le Christ, du Père sur le Fils, pas encore le devenir humain ou immanent de la Croix... L’uni-version ou l’ultimation serait plutôt ce que nous appelons la superposition de l’être-terrassé ou aveuglé et de l’être-illuminé, pas du tout cette collision faible de la dialectique qui va se résoudre comme à l’accoutumée par un flux de nouvelles écritures « enseignantes » et une évangélisation planétaire.

LARUELLE, CF, 2014

SIMPLE, Science, Savoir

La philosophie est fondée sur les principes d’identité et de raison, ce que le Christ apporte est d’une tout autre nature, c’est le principe de l’idempotence ou encore de la science simple ou idemsachante, et une fonction ou un facteur d’imaginaire. À la suite des mystiques, les philosophes ont cherché eux aussi le « simple », mais le simple ne peut être une entité anonyme, transcendante et ponctuelle, un point justement. La critique de la représentation extatique doit être poursuivie par celle de la ponctualité de l’immanence égologique, le non-extatique doit être de nature ondulatoire... Le Simple n’est pas un invariant glorieux ou entêté, mais le flux de l’égalité qui coule en lui-même comme par un tunnel d’immanence sans se dépasser... Nous distinguons les juifs d’étude (plutôt que de savoir), les grecs de pensée ou philosophes, et les Simples de savoir qui sont les Idemsachants ou les gnostiques. Les Idemsachants ont un savoir simple au sens où il ne peut se connaître réflexivement lui-même. Ils sont paradoxalement comme savoir irréfléchi le type humain le plus proche des scientifiques du futur, créateurs et manipulateurs d’automates. L’intuition de la science comme en-Un, l’affinité de la science et de l’immanence générique en-dernière-instance a toujours été l’inspiration orientée-quantique de la non-philosophie... Le générique porte le miracle de cette rencontre d’un paradigme qui deviendra scientifique et d’un vécu qui ouvre l’accès aux humains harcelés par le monde... Les Simples unifient l’homme et la science selon un nouveau rapport tel que la science apporte, depuis la philosophie, un vécu-sans-vie et forme avec lui une fonction d’humanité générique, complétée par le sujet arraché à la philosophie.

LARUELLE, CF, 2014

CONVERSION, Non-commutativité, Universion

La conversion au sens classique est la loi de la commutativité qui vaut du monde macro-religieux, conversion réciproque de Dieu et de l’Homme ainsi que les mystiques l’ont expérimentée sous la forme d’une double extase. À la conversion de Dieu à l’Homme par le Christ, telle une seconde création, répond celle de l’Homme à Dieu. Ce cercle est une forme d’éternel retour théologique du même et se laisse voir dans le contexte chrétien fondé sur le couple sacrifice/conversion. Mais si le sacrifice est celui de Dieu comme nous en ferons bientôt l’hypothèse, alors l’homme messianique qui naît du sacrifice de Dieu n’a pas à se convertir, en revanche la religion doit s’univertir hors d’elle-même. Aussi décisif que l’addition idempotente des deux savoirs (Logos et Torah), le second principe algébrique, celui de la non-commutativité, établit cette addition dans l’espace de l’Avant-priorité ou Dernière Instance. Celle-ci est posée par une opération dite d’« ultimation »... Dans ce « tournant » que serait la conversion au générique, la quantique impose d’emblée ses principes et se saisit de la conversion qu’elle transforme en superposition. La superposition a un effet d’uni-version, elle verse la philosophie hors de sa suffisance ou la fait tomber en-immanence humaine. À peine le sujet a-t-il opéré cette conversion qu’il est en effet déjà « retourné » ou uni-verti en sujet générique en fonction de cette addition... 
Il y a aussi un aspect d’invention empirique, continue et lente de cette science dans le temps de l’histoire à partir des données de la théologie et sous son autorité, mais le pari de l’ultimation comme superposition se joue d’un seul coup de dés où le sujet ne se conserve qu’à l’intérieur de son être-transformé comme vécu générique ou messianique... Le coup de dés philosophique comme jet transcendantal est remplacé par le jet ou le vecteur immanental de la messianité. C’est la matrice générique comme superposition avant-première qui jette les dés de la science et de la philosophie tels qu’ils s’additionnent quantiquement (et non arithmétiquement), c’est un geste immanental, ce qui se produit n’est pas une retombée des dés sur une table mais un jet de vecteurs messianiques dans un espace imaginaire quasi hilbertien... Dans la matrice générique, nos deux dés, la science et la théologie, ne retombent pas sur ce plan d’immanence qui serait évidemment le monde. Ils forment un vecteur messianique qui traverse le mur cosmique, s’empare des transcendances, les fait interférer et crée ainsi d’innombrables et indiscernables flux ou fonctions de guidage vécues de ces transcendances. Jamais totalisés ou enfermés par le monde-tout, par le monde-point, ils ne sont additionnés que sur le monde-écran qui se contente de les détecter sans qu’ils retombent localement ou globalement en lui.

LARUELLE, CF, 2014

RÉVÉLATION, Invention, Générique

Lorsqu’elle devient moyen ou partie prenante de la foi générique et que les anciennes rationalités ont été abaissées à la fonction de simples modèles ou forces productives, l’introduction de la science dans le matériel des croyances crée un effet-révélation qui n’est pas totalement exclu de l’invention ou de la découverte mais d’un type nouveau. Cette introduction n’est évidemment pas sans conditions psychologiques et historiques mais qui sont seulement de l’ordre de l’occasion et ne constituent pas le processus de l’invention elle-même. L’aspect révélation désormais sous condition scientifique immanente est réduit en ses aspects les plus transcendants à la pré-emption du vécu par l’idempotence, qui rappelle le rapt divin ou le ravissement mystique. Il arrache le sujet à son individualité et l’incorpore à la posture générique, corps mystique dont l’humanité est capable par ses propres moyens ou ceux qu’elle s’approprie... Le sujet individuel n’a donc aucun pouvoir de se choisir ou de se vouloir comme générique, il veut au mieux telle ou telle condition et coopère comme occasion. Mais il est saisi « automatiquement » par la force faible ou le non-agir, l’indifférence générique de l’idempotence, et se met à couler « en » lui comme « en »-Christ, seule grâce maintenant concevable... 
Lorsque le vécu est forcé de se ranger aux côtés de l’idempotence, il est saisi, étonné par l’étendue immanente qu’il découvre des possibilités phénoménales quasi infinies livrées par la religion mise à dé-couvert. La révélation de l’« en-Même » et « en » le Même, qui n’est donc pas un donné saturé, explique le sentiment de flux océanique et d’intériorité de la grâce selon lequel le vécu s’écoule, ruisselle ou porte. Mais elle explique tout autant l’affect d’extériorité ou le « choc » que subit la transcendance mise à nu et qui n’est donc plus celui d’une force frappant un objet mais une tombée en-immanence, comme un écroulement intérieur. Le messie que « je » suis est le sentiment générique de fluer au travers d’une transcendance l’autre, à travers dogmes ou croyances sans s’arrêter dans aucune comme « dernière » puisque le générique est la mouvance qui va de l’homme à l’homme à travers le monde ou sous la ligne de flottaison comme par un effet-tunnel. Une telle superposition de la découverte et de la révélation dans la véritable invention est le secret de la connaissance gnostique... Le Messie et encore moins la messianité n’est une Idée vraie à imiter, ni quelque autre datum ou factum de conscience, c’est une onde messianique où flottent vécus et dogmes à l’état de « particules » ou de « clones ». Ce continuum du vécu et de ses phases multiples, certains penseurs ou découvreurs parviennent à le faire ou laisser jaillir mieux que d’autres. La messianité est le miracle d’une forme logique (algébrique) toute de vécu, une voie à suivre fidèlement, une objectivité fluante, telle par exemple que Husserl l’a longtemps cherchée. Que l’on cesse d’attendre le Messie une première ou une deuxième fois, ou d’imiter le Christ… L’intelligence humaine n’imite l’entendement divin ni dans la création ni dans la production, il est ultimation et universion de ces rapports au monde.

LARUELLE, CF, 2014

MESSIANITÉ, Judaïsme, Trace

Comme tout phénomène de type ondulatoire, la messianité est un ensemble de voies innombrables et indécidables, de chemins possibles aux décours hasardeux, sans traçabilité identifiée ou qui ne laissent de traces qu’après coup, une fois qu’ils ont été détectés ou reçus dans l’élément dit de la « conscience » ou de la croyance... La messianité n’a pas de masque (Nietzsche) ou inversement d’intériorité (Kierkegaard) mais une immanence vectoriale, et n’est pas plus identifiable par les Églises que par les « yeux du monde » Ni le temps ni le lieu ne peuvent être ses paramètres. Il n’y a pas de traçabilité du messie, c’est un grand acquis du judaïsme que le catholicisme surtout a oublié par paganisme. Mais le judaïsme a multiplié et rendu apocryphes les avènements messianiques pour mieux troubler l’attente et la passionner. Lorsque Levinas philosophe la trace, et Derrida à sa suite, il s’agit de ce qu’il en reste comme mémoire et passé éternellement présents dans le moi. Ils ne vont pas au plus solitaire désert de l’âme, désert de l’inconnaissance qui accompagne le savoir que nous sommes et dont la connaissance ne suppose pas une trace préalable par un reste de platonisme.

LARUELLE, CF, 2014

MESSIANITÉ, Quantique, Immanence

En termes quantiques, la messianité n’est pas un flux numériquement « un » encore corpusculaire, il se présente comme « unicité » mais il est constitué par superposition des vécus comme un « paquet d’ondes » selon l’expression classique. Si bien que toutes ces interprétations représentent une véritable « réduction » du paquet de vécus qui constituent l’événement-Christ. L’Église en particulier est la somme des dogmes rétrospectifs et des constructions macroscopiques qui détruisent la superposition christique... On évitera donc de réduire le Christ comme Messie à un événement, à une ponctualité et une coupure, soit multiples soit simples. La messianité est un dé-bord idempotent (un binaire immanent), un phénomène vectorial d’onde ou de force, mais pas de point en milieu de transcendance, l’« Envoyé » n’est pas une image spéculaire de la transcendance divine. Sur ce point, le judaïsme, trop lié à sa diaspora spatiale et temporelle, est resté dans une certaine mythologie de la transcendance et a peu inventé. Un point-Un est vide par définition, c’est à la rigueur une force répulsive ou rétractive concentrée. Une science de la messianité fait plutôt valoir sa matérialité de vécu ondulatoire ou interférent, sa plénitude posturale qui exclut la ponctualité et la représentation atomiste... L’Un que nous utilisions jadis pour dire cette immanence qui échappe à toute norme ontologique ne permettait pas, tout seul, de comprendre l’immanence en elle-même, si ce n’est à travers beaucoup d’hésitations d’écriture et la simplicité d’une causalité par simple retrait ou soustraction. Déjà nous avions dû retravailler l’Un dans de nouvelles équations idempotentes comme Un-en-Un ou Un Un = Un. Il a fallu faire de l’idempotence la neutralisation immanentale de la transcendance, non sa négation déterminée ou bien sa négation immédiate (M. Henry). Parlant apophatiquement de non-Un ou d’immanence en général, nous ne disposions pas encore de la matrice algébrique de l’immanence messianique en son autonomie et sa positivité de Même obtenues comme superposition. Cette matrice « algébrique » de l’idempotence doit s’incarner maintenant dans le vécu pour donner la constante christique ou le quantum de foi. C’est distinguer l’avant-priorité du Même et la priorité de l’Un et/ou du Multiple dont les débats nourrissent les philosophies.

LARUELLE, CF, 2014

mardi 11 juillet 2023

ÉVANGILES, Science, Générique

Le génie d’un fondateur de science consiste à trouver une posture scientifique plutôt qu’une position philosophique... Or Jésus lui-même a fait la théorie rigoureuse sinon exacte de sa posture et il est donc l’inventeur non seulement spontané de cette posture mais son théoricien. En ce sens il est pour nous le chemin et la vérité... C’est ce que nous appelons une science générique ou une théorie unifiée. Les Évangiles rapportent une expérience vécue du monde qui a tous les caractères d’une expérimentation concentrée sur la Croix et le Tombeau mais qui n’a de sens que par et dans la Résurrection et l’Ascension. Ce n’est donc pas un discours à distance de son objet, les Évangiles sont performatifs ou subjectivement expérimentaux, le sujet n’est pas divisé avec son objet en face de lui, mais en rapport de complémentarité unilatérale entre un statut de condition générique et un statut d’opérateur-observateur.

LARUELLE, CF, 2014

CHRIST, Histoire, Théologie, KIERKEGAARD

Paul suppose l’événement-Christ déjà intervenu, la résurrection déjà faite, il en fait une vérité à déclarer ou que l’on déclare comme événement déjà advenu et qui doit re-venir. Son problème est de s’identifier au Christ déjà mort-et-ressuscité et de le vivre par la procuration de sa représentation au lieu de le vivre par superposition dans la matrice de la Croix. Toute la thématique du « retour » du Christ en chacun des fidèles est affectée par ce déterminisme temporel. Si le Christ est notre contemporain il ne l’est pas par une projection du passé sur le présent sous peine d’en faire une réminiscence grecque. Ce retour ne peut pas être de l’histoire ou dans une histoire, c’est une sous-venue, l’« évolution » d’un vecteur d’état dans le sens d’une connaissance de salut, pas une re-confirmation de l’ecclésio-centrisme. La théologie chrétienne et sa religion sont comme une inversion des phénomènes réels par la conscience et la représentation, la négation du futur c’est-à-dire du sens authentique du Christ. Kierkegaard accuse justement la dialectique de ne penser que l’advenu ou le passé des contraires, de les avoir déjà survolés par le temps éternel, de ne pas affronter l’expérience de la venue des contraires. Expérience comme transcendance pour Kierkegaard mais pour nous comme transcender le plus simple, celui de l’immanence radicale...
Le message du Christ possède un aspect inintelligible, c’est au moins un fait paradoxal selon l’interprétation que Kierkegaard fait dans les limites encore de sa dialectique... Le Christ est la futuralité d’une raison kérygmatique encore théologiquement inexistante parce que d’essence quantique et qui doit être décidée ou inventée une fois chaque fois à partir des oraxiomes contenus dans le message... La nature paradoxale ou inintelligible n’est en général pas première, ce qui est ordinairement premier dans le message c’est qu’il est compréhensible d’une manière habituelle et plus ou moins immédiate mais encore macroscopique, c’est donc une apparence objective qui a sa vérité mais qui doit être générée depuis ou dans l’enceinte d’une expérience qui met en jeu une autre temporalité. Il faut admettre que la causalité historique existe mais pas le déterminisme causal et linéaire dans lequel prétend s’inscrire l’histoire classique du christianisme et des événements qui font le message et sur lequel se fonde encore l’interprétation de Paul. Celle-ci est une apparence objective, représentative ou « décohérente » qui prolonge l’inintelligibilité primaire du message au lieu de produire la connaissance elle-même non-inintelligible de cette inintelligibilité. C’est une fable sans doute comme disent les athées mais elle doit être rendue intelligible comme fable incompréhensible ou bien comme miracle théorique. Une science des miracles, voilà ce que pourrait être la science du Christ qui doit inventer le type d’intelligence qui ne nie pas le miracle rationnellement, mais l’éclaircit dans le seul mode scientifique adéquat. L’événement-Christ est un miracle théorique auquel il ne nous est pas demandé de croire mais qu’il nous est demandé d’actualiser dans la foi.

LARUELLE, 2014, CF

CHRIST, Philosophie, Oraxiome

Nous ne thématisons pas ni n’élucidons le sens supposé caché de ses paroles, si ce n’est pour mettre à découvert théorique ce qui est à peine implicite et déjà offert aux simples. Nous dégageons sous la forme d’axiomes subjectifs ou de vécus oraxiomatiques (axiomes de-dernière-instance) la cohérence non-philosophique des logia populaires si facilement capturés par la philosophie qui aime prendre en charge les paroles populaires et les « relever ». Avec ces paroles simples et non philosophiques, Jésus se fait Christ sans avoir besoin de la dialectique paulinienne, il exprime son « identification » à cette sortie hors du religieux, celle du Christ « en » lui-même. Que pourrait vouloir dire « philosopher en Christ » si ce n’est pas lui la condition qui détermine ses propres paroles et les soustrait autant au judaïsme qu’à la pensée grecque ? Il est cause scientifique-immanente, cause générique du sens kérygmatique de ses paroles, tout le reste relève de sa christianisation après coup...
La Croix est un secret scellé, accompli en la personne du Christ, accessible aux Simples qui sont le savoir indocte, refusé à la suffisance des théologiens et des philosophes qui, eux, savent avec assurance qu’ils ne savent rien, au lieu de ne pas savoir ce qu’ils savent.

LARUELLE, CF, 2014

ORAXIOME, Kérygme, Science

Polythéisme et monothéisme, Logos et Torah ont contribué chacun à former quelque chose comme l’« esprit scientifique ». Pour cette cause, le Logos n’a plus besoin d’avocat, de son côté la Torah en inventant le juif d’étude a longé la science moderne ou l’a croisée sans y pénétrer aussi clairement. Le Très-Hautre est un masque pour une science qui ne demandait qu’à se manifester, il doit se faire science, c’est le côté scientifique de la Loi qu’un juif ne peut guère refuser. Ce que toute science doit au judaïsme, c’est la Loi comme constante, la Loi comme texte, la Loi comme obéissance, à eux trois presque tout le milieu d’existence du scientifique. Malgré sa conjugaison historique avec le Logos, la science de Dieu ne peut être la théologie qui fait cercle vicieux avec son objet et ne remplit pas les conditions nécessaires autres que celles de la « science philosophique » qui relève d’une apparence. Mais la théologie nous sert de matériau, Dieu de ce point de vue est l’ensemble des discours sur lui, sur sa puissance, sa création, son plan de salut, son sacrifice, son incompréhensibilité diversifiée selon les théologies. Dieu comme objet de science, c’est l’ensemble des religions comme champ expérimental de ses propriétés... 
La science chrétienne se dit par des oraxiomes qui utilisent des concepts en les requalifiant comme termes premiers par suspens justement ou neutralisation de leur sens philosophique, donc en répétant l’opération christique au plan du verbe, un ensemble d’énoncés oraxiomatiques mais immanents, se déployant infiniment comme les phases d’un flux. Ils se défont de la théologie, positive ou négative, ce sont des phases génériques de messianité, des « fonctions d’onde » messianiques... C’est ainsi que le kérygme du Christ tel qu’il se donne dans ses affirmations et exhortations (...) est fait d’états de langage superposés, identifiables de manière seulement apparente dans leur origine, et qu’il peut être envoyé dans un système d’interprétation ou un dispositif d’expérimentation de type quantique, sur le modèle de l’expérience dite des « deux fentes ». À sa sortie il peut se lire soit en immanence de type grec soit en transcendance judaïque selon l’appareil de mesure ou de sortie choisi (les Églises), qui peut faire apparaître l’un ou l’autre. De là l’historien ou l’exégète définira un Christ plutôt juif ou un Christ plutôt grec selon le dispositif choisi c’est-à-dire selon les critères de l’interprète... Le kérygme du Christ certes indivisible n’est pas partagé entre des origines grecques ou bien juives, mais distribué sur l’ensemble du dispositif qui comprend l’émetteur et le sujet récepteur, il porte ainsi toujours la marque de la finitude de l’appareillage... Le kérygme est le sens complexe, indéterminé ou « fictionnal » du message, ce qui est vectorial en lui. S’il y a un problème d’interprétation il faut savoir qu’il se développe dans une apparence objective qui est religieuse-philosophique. Le kérygme est vectorial générique, il sous-vient radicalement immanent ou abandonne la double transcendance depuis le « quart de tour » algébrique comme ouverture messianique immanente.

LARUELLE, 2014, CF

CHRIST, Médiation, Loi

Logos païen et Torah juive sont des religions substantielles, même si elles valent comme formes pour d’autres modalités de la culture. Ce sont des formes d’existence dont le christianisme constitué va hériter et avec lesquelles il va se mélanger comme s’il contournait le Christ en laissant échapper sa radicalité. Elles sont consistantes, forment un système ou un plan de salut, elles sont structurées à trois termes, le divin, l’humain et la loi qui sert d’intermédiaire... Mais le problème du Christ est peut-être radicalement simple car c’est justement le problème des Simples, faire une non-religion à deux termes avec les trois des religions, les simplifier dans leur essence et leurs rapports. Autrement dit, son problème n’est pas paulinien et encore moins hégélien, il exclut toute solution par triade d’instances ou trinité. D’une part le Christ décrit sa mission en des termes qui évoquent une médiation, pour le dire en termes grecs ou philosophables, médiation affaiblie ou lointaine entre Dieu et les hommes, écrasée et comme ayant perdu son côté divin qu’il ne « représente » pas. Il ne re-présente pas une seconde fois son⁹ Père mais le présente à la rigueur, il dit qu’il suffit de l’avoir vu pour avoir vu le Père. Il accomplit en sa personne cette médiation mais à condition de supprimer la distance infinie, à plus forte raison finie (polythéisme), à Dieu, d’écourter le circuit de cette médiation, comme si le terme moyen devait contracter l’ensemble et le prendre sur soi. Cet accomplissement d’une médiation contractée transforme l’autre côté, humain, ou assure le salut des hommes auxquels une nouvelle forme d’obéissance est du coup demandée. Ce n’est donc pas la médiation développée que Hegel verra plus tard en lui mais le médiat-sans-médiation, c’est-à-dire sans la structure complète ou triangulaire... Le Christ est le concentré ou la contraction, la conjugaison plutôt des deux Lois parce qu’il est celui qui les incarne génériquement et qui les transforme en profondeur dans le rapport de leurs instances... Les deux Lois auxquelles il est fait allusion ont une fonction générale ou une allure « commune » de médiation entre Dieu et les hommes, même si l’une va vers l’auto-médiation par Dieu ou l’Être et l’autre vers l’hétéro-médiation, si l’on peut dire, par et comme l’Autre.

LARUELLE, 2014, CF

MESSIANITÉ, Superposition, Non-commutativité

Nous appelons aussi les sujets messianiques ou les fidèles des « Idemsachants », terme de circonstance qui pourrait valoir des gnostiques. Ils ont d’abord le savoir de la superposition idempotente et de la non-commutativité en général, des deux principes de la pensée quantique qui règlent les rapports entre les paroles du Christ en leur immanence et les énoncés transcendants de la théologie. Ils permettent d’obtenir les oraxiomes qui décrivent et constituent la science christique, qui la « préparent », comme diraient les physiciens à propos de l’expérience de la mesure. 1. Il faut « superposer », au sens quantique de ce mot, d’une part les logia, tous les énoncés sur la Loi et son accomplissement, sur les rapports du Père et du Fils, les innombrables formules de Jésus sur la vie et les vivants, et d’autre part la théologie gréco-judaïque qui en est une interprétation transcendante. L’« addition » de la messianité des paroles christiques et de la théologie doit redonner, à travers le matériau théologique transformé ou axiomatisé, ayant perdu sa portée théologique suffisante, la force messianique des paroles christiques. Le discours théologique est transformé, sa structure philosophique interne pliée au principe d’idempotence...
Pourquoi n’est-ce pas une simple imitation réciproque et spéculaire, une transformation simultanée, pourquoi le Christ fait loi et dans cette opération reste le Même sans se laisser affecter par le discours théologique, pourquoi y a-t-il transformation de la parole judéo-grecque divisée pour être rendue adéquate à la personne du Christ ? Un autre principe accompagne, nous le savons, celui de superposition, lui donne son sens et ses limites, l’explicite dans ses conséquences, assure son être-forclos ou sa défense a priori, c’est celui de la non-commutabilité du Christ et de la philosophie. Il n’y a pas de commutativité entre les paroles du Christ et la théologie judéo-grecque, entre Christ et la philosophie, la croyance et la connaissance de la foi. Il faut comprendre les paroles du Christ de telle sorte qu’il n’y ait pas de réversibilité entre leur effet et la théologie judéo-grecque qui y est suturée. Le « retour » du Christ même sous la forme de son intelligence théologique, car la philosophie ne demande pas autre chose que le cercle, fût-il infini, du réel et du langage, est impossible...
Le discours théologique est apparence objective, le discours oraxiomatique que nous en tirons par superposition est également sans prise sur le réel christique mais il est sous-déterminé par lui... Notre science peut donc être dite une christo-fiction rigoureuse, elle n’est plus imaginaire comme le matériau avec lequel elle est faite.

LARUELLE, CF, 2014

LOI, Christ, Messianité

Le Christ ne propose pas une autre loi révisant la grecque et la judaïque, mais une loi-événement, une loi générique qui est celle de la superposition et de la non-commutativité. Le Christ est la Loi accomplie comme immanence de la messianité, comme idemmanente. Ce n’est pas une relève de la Loi mais son suspens et sa dépotentialisation en tant qu’elle appartient par idempotence au médiat, au mi-lieu de l’analyse et de la synthèse... Victime de l’apparence religieuse et philosophique, le christianisme aura compris ainsi que la Loi « accomplie » est encore la loi juive ou l’une de ses modalités. Mais la nouvelle pratique est forclose à la loi juive et à la loi grecque, et pour cela peut les transformer sans continuité en un tout autre principe qui est la messianité. Qu’est-ce qui fait la « folie de la Croix » et/ou son « scandale » ? Certainement le fait que des opposés traditionnels entrent dans le Christ en une collision. Mais Paul propose à l’homme une combinaison encore bien classique qui porte la trace visible et l’idéal corpusculaire des anciens matériaux, le mélange quasi dialectique d’une loi d’amour universel déjà trop grecque et contemplative, et d’un événement de tombeau vide qui idéalise la crucifixion et la résurrection en un fondement abstrait... La loi de l’amour, à plus forte raison générique, est une loi pratique, non donnée comme un idéal mais qui doit être reçue et exercée comme un ultimatum dans l’agir qui prend le monde comme objet... C’est la Loi comme messianité, la loi de la foi et non de la croyance, la loi de l’amour générique qui n’est pas la confusion indifférente ou l’égalité de l’universalisme.

LARUELLE, CF, 2014

CHRIST, Unilatéralité, Sujet

Admettons cette formule "Dieu fait homme", que veut dire « fait » ici ? Croire que Dieu s’est métamorphosé et a décidé de revêtir forme humaine est à l’origine des anthropomorphismes et des théologismes trinitaires de l’Église, de ses apories dont témoignent les hérésies intra-chrétiennes, mais aussi d’une bonne part des philosophies ou christologies dialectiques modernes en marge du christianisme. Elle signifie plutôt qu’il y a un « devenir » immanent du Christ comme sujet, plus rigoureusement une sous-venue des deux Lois religieuses à la généricité de la science comme vécue – à la science-sujet comme vraie science et vrai sujet. Le Christ est une procédure scientifique qui a trouvé un usage vécu. Plutôt qu’il ne devient, le Messie vient mais il ne vient pas du ciel ou de la terre, il « sous-vient » comme générique et n’a donc pas de lieu dans le monde justement parce qu’il a le monde pour « objet » complémentaire à transformer. Être « fait » n’est ici ni émanation ni procession, ni leur milieu ou leur synthèse, le Christ (et chaque fidèle avec lui) se dit au duel. Le fidèle est une dualité illocalisable prise dans l’immanence, dualité d’une conjugaison ou d’une complémentarité. Il est dualité unilatérale comme procédure d’idempotence c’est-à-dire d’un excès indivisible du Même dans le Même d’une part et comme matérialité d’un vécu d’autre part.

LARUELLE, 2014, CF

IDEMPOTENCE, Médiation, Messie

L’idempotence est en général le mi-lieu ou la complémentarité de l’analytique et du synthétique, mais quel type de « milieu » ? L’idempotence ne vaut que de l’immanence (l’ondulatoire-physique ou le messianique-vécu) mais c’est une forme capable d’accueillir une transcendance simple, un ascender non-extatique. Suspendant sa médiation interne, elle est l’élément non médiatisé et non médiatisable du Christ, le Même. Mais sous cette forme de médiat-sans-médiation elle est aussi l’élément de… ou pour… la transcendance, bien que n’étant pas elle-même médiatisée avec cette dernière. Le générique est maintenant complet, c’est un médiat-sans-médiation = mi(-lieu) = élément, qui médiatise l’autre terme mais n’est pas lui-même médiatisable par lui... Le générique médiatise pour le monde, mais n’est pas lui-même médiatisable. Donc, pour que le médiat non médiatisé, le premier A de A A = A, puisse servir de médiat-pour… ou d’élément générique pour l’autre terme, il faut que ce premier soit immanent. Idempotence ou superposition se comprennent, dès que vécues, comme un sacrifice de la médiation réciproque, de l’échange avec Dieu, sacrifice unilatéral de la médiation à la condition que Dieu « se fasse » homme générique, Fils ou élément du mi-(lieu), juste mesure inégale ou unilatérale. Ce qui est sacrifié c’est la réciprocité ou la rivalité, le côté divin de la médiation, mais à condition que Dieu soit radicalement immanent ou lui-même non-médiatisable. Mais justement l’immanence se trouve ou se réalise par le suspens de sa médiation interne des deux côtés, et devient médiation unilatérale externe avec l’introduction de la transcendance. Dégager le noyau de la médiation comme unilatérale implique que le messie comme générique soit en devenir (ce qui peut valoir pour l’attente judaïque…) et dépende de la rencontre-sans-création, de la « collision » qu’est le Christ de Dieu et du Monde, de leur superposition sans synthèse. La messianité est en cours au sens de sa pré-emption sur les hommes mais parce que le facteur-Christ sert d’index pour la variable humaine. Il suffit de leur addition, de l’intervention de Dieu non comme créateur du monde – le Messie n’est pas une nouvelle création – mais comme facteur-Christ de superposition ou capable de s’additionner. L’événement-Christ peut s’interpréter dans les concepts de la superposition ou de l’addition quantique, donc de la grâce mais certainement pas de la re-création. Il n’est pas question de rachat ou d’échange, de prendre sur soi le péché du monde, juste d’opérer la seule généalogie possible, non pas du monde, mais du salut du monde depuis et dans l’humanité radicale. Ainsi transformés, les nouveaux Fils ou messies ne sont pas connaissables ou reconnaissables par ceux qu’ils étaient. Ce sont des Étrangers-existant-messies.

LARUELLE, CF, 2014

NON-COMMUTATIVITÉ, Unilatéralité, Loi

La non-commutativité est décisive pour expliquer la possibilité de l’idempotence christique et la réduction immanentale du religieux. Elle impose le caractère d’avant-priorité à cette réduction et protège le Christ de tout retour dans une théologie première réglée une fois de plus et organisée autour de la transcendance de Dieu. La science christique n’est pas un canon, mais à la rigueur un organon pour la foi. Rien, aucun ordre ne précède le Christ, qui justement n’est pas premier mais « dernière instance » de salut, ultimatum avant-premier... Comme principe et non simple loi, la non-commutativité revient à mettre l’irréversibilité au cœur du commencement et de la priorité plutôt qu’au long d’une séquence temporelle qui la ré-envelopperait de son cercle. Insérée dans la priorité, elle dédouble d’avec celle-ci, sans en créer un doublet philosophique et spéculaire... La non-commutativité achève de déterminer la messianité comme onde unifaciale ou jet orienté-unilatéral... L’unilatéralité du « Très-Hautre » judaïque apparaît maintenant pour ce qu’elle est réellement c’est-à-dire génériquement, un symptôme ou une occasion de la non-commutativité ou de la complémentarité messianique. Le générique est le nouveau statut de la Loi qui sous-détermine le sujet obéissant qu’elle pré-empte (le concept générique de l’élection) et structure par sa nature scientifique mais non positive. La Loi, dont la proximité était l’acte d’un Dieu trop lointain pour intervenir lui-même auprès des sujets, est concentrée et unilatéralisée entre les principes quantiques et le vécu, imprégnée par l’idempotence et prise de la philosophie ou du monde païen... La superposition linéaire évite matériellement un cercle éventuel de la messianité, la non-commutativité l’évite formellement. Ensemble ils expliquent la géniale émergence de l’événement-Christ et de la création de la science des religions.

LARUELLE, 2014, CF

ORAXIOME, Messianité, Onde

Nous savons pratiquement, que pour cette science, il faut 1. en-avant-priorité une forme non pas logico-aristotélicienne mais algébrique et déterminante, l’idempotence et le nombre imaginaire, 2. une matérialité vécue (substance matériale de la messianité et de la foi), 3. également une forme logique puisqu’elle implique de la philosophie, 4. une forme axiomatique puisqu’elle implique une science rigoureuse dans ses moyens. Ces divers aspects sont entrelacés de manière indivisible dans ses énoncés que nous avons désignés en général comme axiomes vécus ou oraxiomes, qui sont des dires fidèles, les « axiomes fidèles » de la messianité. En-dernière-instance ils expriment la messianité en recourant au langage théologico-philosophique qu’ils transforment. Chacun de ces oraxiomes est un quantum générique d’expression ou d’énonciation, non pas une entité conceptuelle ou discursive, un atome de sens transcendant, mais un quantum à la fois discret et indivisible de messianité. C’est à la fois une pulsion, la poussée d’un cri, la clameur de la foi, la jaculation d’un mystique... L’ondulatoire désigne ici un schème ou une forme qui n’est pas nécessairement un phénomène visible d’écoulement sonore ou liquide des concepts, encore que la parole soit un tel phénomène d’écoulement et de ruissellement surtout si l’on modifie ou fait varier ses vitesses d’écoulement physique comme le savent les mystiques et les prêtres ritualistes. La marque phénoménale de l’ondulatoire comme schème tolérant la superposition est surtout l’interférence des sens ou des concepts. Il s’agit de projeter ou de faire usage des noyaux conceptuels, surtout théoriques puisqu’il s’agit de la théologie, tels qu’on les fasse se superposer comme des vecteurs, interférer et ainsi créer de nouveaux blocs de sens illocalisables ou indiscernables. L’interférence est surtout celle des syntagmes ou des corpuscules de signification que sont les énoncés... Il ne s’agit plus de parler conceptuellement de manière atomiste de la messianité mais de manière « ondulatoire », par ondes configurant des concepts. Étant donné leur racine ou leur source avant-première qui est l’idempotence, ce sont des « oraxiomes », des axiomes générés comme les oracles de cette pythie algébrique qu’est la messianité... Énoncé idemsachant, à la fois vécu et générique, l’oraxiome est l’indivisible duel, le quantum générique de formulation dont aucun ego n’est le titulaire, aucun « je », à la rigueur un « nous », comme un quantum d’expression ou de formulation unilatérale qui met un terme à l’axiomatique encore atomiste de la mathématique ou de la philosophie... Dans cette perspective, les logia de Jésus c’est-à-dire les recueils de paroles pour les pauvres, doivent être compris comme des formules vides de la suffisance du Logos, qui expriment une « impuissance » du gréco-judaïque, comme des quanta duels (ou binaires-indivisibles) et en ce sens comme des formulations apocryphes au sens où elle sont tenues secrètes en-Christ et non-authentifiées par la Synagogue, l’Académie, et l’Église qui d’une certaine manière les réunit.

LARUELLE, 2024, CF

lundi 3 juillet 2023

SCIENCE, Générique, Sujet

Les phénomènes humains, dont les religieux, demandent une science générique et non pas positive. Par exemple une science de la philosophie exige du sujet de se mettre d’emblée dans une posture qui n’est que scientifique, pas philosophique, mais qui, comme posture, engage ou implique un sujet potentiellement philosophable, sinon philosophant... Ce n’est donc pas dire qu’il faut revenir à l’herméneutique, être chrétien et croyant pour comprendre la foi, philosophe pour comprendre la philosophie, artiste pour comprendre l’art... La science qui devient générique tient alors sa véritable rébellion contre l’épistémologie... L’insertion idempotente d’un sujet générique dans les procédures scientifiques est le seul moyen radical pour éliminer la positivité des sciences sans les relever dans un sujet transcendantal.

LARUELLE, 2014, CF

SUJET, Science, Générique

La logique de notre gnose est celle de l’idempotence, flux immanent minimal qui constitue la science-sujet c’est-à-dire ce que nous appelons par ailleurs la messianité... L’idempotence signifie que le vécu messianique est constant quel que soit le terme qui lui est ajouté comme Autre, car ce terme, de lui être ajouté ou additionné, tombe justement sous cette constante à laquelle il apporte juste un complément, c’est donc la loi d’un excès stérile qui ne détruit pas le Même comme sujet messianique... Le sujet chrétien ou le fidèle entre dans une procédure scientifique et forme avec elle une constante adéquate à son objet, le chrétien n’entre pas dans la science comme sujet au sens classique, il y entre comme sujet chrétien mais désindividualisé ou neutralisé qui peut retrouver une subjectivité générique... La procédure scientifique se constitue ici comme science-sujet en incluant et désindividualisant génériquement le vécu du chrétien potentiel, intéressé par exemple aux religions sans être explicitement « croyant ». Ce vécu doxique est élevé à la dimension de sujet scientifique et non l’inverse, la science n’est pas subjectivée sous condition philosophique, c’est le vécu qui est dé-subjectivé sous condition scientifique... Introduite dans le cercle philosophique de la religion et de la théologie et procédant avec justice, la science-sujet démontre par son existence que le Tout chrétien macroscopique et potentiellement philosophable est une apparence ou une illusion par laquelle il croit avoir pu être le seul titulaire et législateur du vécu... Il n’y a pas de cercle dans le présupposé scientifique de la science-sujet, purement et simplement étranger à la philosophie, avec le discours chrétien et même avec la science théologique comme il y en a un entre le principe d’identité ou la logique générale et le réel. C’est que la superposition n’a jamais été un cercle, à la rigueur une ondulation et même un quart de cercle représentant un « nombre imaginaire » ou « complexe » dont la fonction est tenue ici par le symbole « Christ ». La croyance à une illusion transcendantale présente ici est elle-même une illusion mais cette fois immanentale ou d’un tout autre degré. La philosophie est la seule cause positive de cette croyance à un cercle, la science-sujet n’est que la cause négative de sa manifestation... Il n’y a donc pas de sujet-de-la-science mais une science-sujet vécue génériquement et complétée d’un sujet occasionnel. D’où le concept de ce qu’il faut bien appeler soigneusement « science non-chrétienne » et que le Christ pratique en un sens précis.

LARUELLE, 2014, CF

QUANTIQUE, Représentation, Philosophie

La philosophie grecque qui servait de milieu d’accueil ou de réception pour le message christique, le Logos, n’est pas seulement une question d’objets, de thèmes, d’idées ou de concepts à varier, c’est une forme représentative de pensée qui transit à peu près tous ses concepts dont ceux de la théologie... Or il est apparu que la quantique est la délimitation radicale de la pensée représentative au moins dans les sciences et de son type de rassemblement, cosmos ou diaspora, sans que la pensée soit par là niée. Elle fait droit à des phénomènes non pas « petits » mais qui obéissent à un tout autre principe que celui de la représentation. La philosophie n’est pas capable de cet autre principe pourtant philosophique d’apparence et dont elle procure une version transcendante, seule la science le peut. Il lui est propre mais il ne devient capable de vertu ou d’effet de type philosophique et dans la théologie que lorsqu’il est sorti de son application physicienne... Les fameuses « abstractions métaphysiques » ne sont rien d’autre que les formes d’une pensée encore inadéquate à son objet. Le style quantique possède une généralité ultra-physique de toute façon puisqu’il correspond à des propriétés algébriques de suspens et de neutralisation mais qui par leur type d’universalité ouvrent de nouvelles perspectives.

LARUELLE, 2014, CF

lundi 26 juin 2023

SUJET, Messie, Christ

Dans toute science il faut au moins un opérateur observateur des procédures de recherche qui sont le véritable « sujet »... Comment appeler cette subjectivité ou cette foi individuelle sous-déterminée génériquement, sinon « Messie » ou sujet-existant-Étranger ?... Messianité de-dernière-instance et Messie d’origine individuelle mais dépouillé de ses prédicats individuels forment une complémentarité unilatérale. Christ est bien un « sujet », ce n’est pas parce qu’il n’est pas ici un fondateur (involontaire) de religion (les apôtres sont des témoins, Paul étant le corrupteur autoritaire du message) ou une figure historique qu’il est un symbole anonyme... Les « choses dernières » ne sont pas des événements cosmiques fabuleux et cataclysmiques, seuls les sujets génériques sont « derniers » au sens eschatologique c’est-à-dire « avant-premiers » (plutôt que ceux qui font retour). Le nom de Christ introduit une discontinuité fondamentale non pas « dans » le présent de l’histoire, mais de l’avant-présent « futural » à ce présent de l’histoire elle-même. Loin de « casser en deux » (Nietzsche) l’histoire selon le vieux schème philosophique, il met à jour une avant-priorité qui laisse sa priorité à l’histoire et aux religions, mais les met sous condition sous-déterminante en-dernière-instance. Au lieu de réduire le Christ au rang de fidèle quelconque c’est-à-dire « chrétien » ou « croyant », on admettra que le Christ n’est pas « chrétien » comme Jésus en ce sens tardif et encore moins « croyant », mais que d’une part tout fidèle quelconque doit être mis sur un pied d’égalité avec le Christ, égal parmi les égaux, mais à cette stricte condition que les fidèles, comme le Christ lui-même, se libèrent du christianisme-monde et soient des modalités de la science générique ou des fidèles de-dernière-instance, non pas assujettis à la messianité mais subjectivés génériquement par elle... Un sujet de forme classique, ego, conscience ou ipséité singulière, il n’y en a pas dans les sciences humaines si ce sont vraiment des sciences, et en particulier dans la science ici cherchée, la foi les exclut mais ne les nie pas, elle les transforme. Mais il y a de la subjectivité d’une part à l’état interférent ou ondulatoire, et donc d’autre part il y en a aussi sous la forme dés-individualisée de messies attendus avec certitude mais aux trajets indiscernables et aux effets imprévisibles. Ils agissent sans être localisés dans des lieux et des temps théologiques prédéterminés, messies intriqués procédant non par empiètement ou jeu de frontières mais par des effets de grâce à distance qui traversent les obstacles du monde. Il n’y a pas de sujet de la science mais une science-sujet qui, investie dans les données du christianisme mondain, produit des multiplicités illocalisables de fidèles agissant indirectement et non au terme d’une distance onto-théo-logique.

LARUELLE, 2014, CF

CHRIST, Messianité, Résistance

Le Messie qui sous-vient n’est ni un point où Dieu se concentrerait, le Dieu ou l’Un de la kabbale par exemple, ni un retour sur soi, il ne peut faire retour mais vient pour l’avant-première fois chaque fois comme ce qui abat toute suffisance. L’immanence par exemple la plus radicale que la philosophie du Christ (M. Henry) ait imaginée se dédouble en un point-ego et un flux oscillatoire d’auto-affectivité qui remplit cet ego et que cet ego individuel enferme. Ce n’est donc rien d’autre qu’un atomisme conceptuel, l’ego est transcendantal ou semi-transcendant. De nouveau l’ego ou le centre l’emporte sur l’onde messianique, alors que l’immanence de ce qui ne fait que venir messianiquement devrait être cherchée au plus profond du « sans-retour » ou de la Résurrection du Christ, donc dans la propriété d’idempotence qui fait de l’immanence de la messianité un vecteur et non un cercle. La « sous »-venue du Christ est le seul contenu réel possible de son « retour » mythologique, la seule mémoire de la messianité... Dans le rapport à l’Histoire, le Christ sous-venant introduit un grand renversement. La messianité n’est plus ce qui reste ou résiste et dont l’entêtement définit le Même comme résidu de l’Histoire... Les variations servent à faire apparaître ce qui résiste, c’est une opération de transcendance glorieuse et entêtée, tandis qu’ici le Même n’a pas à se constituer comme ce qui résiste, il se contente de bouger en lui-même ou d’osciller au gré des variations, opérations ou différences et non malgré elles. Le Messie a la souveraineté des faibles, l’indifférence accueillante ou insensible. Le non-agir de l’Idempotent n’entre pas dans un corps-à-corps ou un face-à-face, n’a pas à réagir réflexivement pour résister. Cette puissance d’être et de rester le Même sans devoir tuer l’Adversaire est la messianité, ce n’est pas la puissance seulement de résister aux variations et aux avatars, de les inclure ou exclure, d’en faire au mieux une synthèse dans un grand système théologico-mondial. C’est ce qui distingue de notre point de vue la défense des humains et la résistance qui ne peut être qu’un combat dont l’horizon est la mort. Ni affirmative ni négative, la défense inclut un moment de transformation et non de mise à mort de l’Adversaire.

LARUELLE, 2014, CF

CHRIST, Non-commutativité, Christianisme

1. La superposition du Christ (de ses paroles) et de la théologie gréco-judaïque, l’addition des paroles christiques et de la théologie doit générer le noyau du discours christique mais dans sa version théologique tandis qu’inversement le discours théologique est transformé, plié ou ordonné à ce principe ou à cette opération. 2. Pourquoi n’est-ce pas une simple imitation réciproque et spéculaire, une transformation simultanée, pourquoi le Christ fait loi et dans cette opération reste le Même sans se laisser affecter par le discours théologique, pourquoi y a-t-il transformation de la seule parole judéo-grecque pour être rendue adéquate à la personne du Christ ? Un autre principe accompagne celui de superposition, lui donne son sens et ses limites, l’explicite dans ses conséquences, c’est celui de la non-commutativité du Christ et de la philosophie ou de la théologie judéo-grecque. Autrement dit toute théologie est ou bien de l’ordre de l’imaginaire philosophico-religieux, une formation imaginaire qui nous sert de matériau, ou bien si nous en élaborons une nouvelle et scientifique en fonction de Christ et de cet imaginaire comme matériau. C’est ce que nous appelons l’unilatéralisation du christianisme qui assure d’autre part la défense du Christ contre le christianisme. La non-commutativité permet de comprendre la forclusion de la messianité au cours du monde et de l’histoire.

LARUELLE, 2014, CF

IDEMPOTENCE, Générique, Théorie unifiée

L’idempotence contribue à définir la matrice générique, elle vaut pour la superposition de la science et de la philosophie, mais pour être effectuée ou réalisée pour les deux disciplines, il faut qu’elle s’incarne aussi dans la philosophie ou dans le vécu d’un sujet. Générique veut dire validité non totalisante pour les deux disciplines, ou universalité qui ne se redouble pas sur elle-même, qui disparaît même comme Tout réfléchi, donc universalité indiscernable. La clé du problème est dans l’idempotence de la science et de la philosophie qui sont le même génériquement ou en-dernière-instance. Nous avons enfin le concept rigoureux ou l’équation de la théorie unifiée = le Même comme superposition idempotente... L’unification reste la plupart du temps un principe transcendant, et ce type d’unification reste alors de l’ordre du symptôme, seule la science quantique de la philosophie est la forme immanentale et non transcendante de la théorie unifiée.

LARUELLE, 2014, CF

IDEMPOTENCE, Superposition, Non-commutativité

L’idempotence est cette souche commune des deux principes qui imposent à la foi ou messianité, pour devenir une constante, un certain type de détermination réglant les rapports qu’elle met en œuvre, c’est une propriété algébrique ou un proto-principe. Son premier effet le fait fonctionner concrètement dans la physique quantique comme « principe de superposition ». Une opération idempotente produit le même résultat si elle est appliquée ou ré-appliquée plusieurs fois, par exemple sous la forme de flux ou de forces de vécu, elle produit donc l’unicité de l’intermédiaire (ce que l’on appellera le « médiat-sans-médiation »). Elle est mi-analytique mi-synthétique ou plus exactement elle est l’analytique non plus comme opération philosophique isolée ou corpusculaire, mais l’analytique qui « tend » au synthétique ou le vise. De manière complémentaire elle est le synthétique qui échoue à l’être tel qu’il l’est comme opération isolée ou corpusculaire pour la logique philosophique. Le second effet de l’idempotence est le principe qui soustrait cette détermination à sa reprise philosophique toujours active ou menaçante. La propriété algébrique de non-commutativité est élevée à l’état de principe dans la quantique (dont les produits inversés de deux variables ne sont pas égaux), et ici de non-commutabilité de la foi messianique avec la croyance religieuse.

LARUELLE, 2014, CF

IMMANENCE, Matrice, Transcendance

L’opération de la matrice est tout immanente même si elle met en jeu sur un côté d’elle-même la transcendance théologique la plus exacerbée qu’elle fait tomber en-immanence. Car il n’y a jamais de théologie, fût-elle en-Christ plutôt qu’en-philosophie, sans une transcendance soit déchaînée en croyance soit abaissée à la foi. La matrice suppose en général une réduction vectoriale (à la racine carrée de -1) de l’Un onto-théo-logique et doublement transcendant. Mais son effet se répartit selon une dualité ou complémentarité unilatérale d’aspects qui découle de la transformation de l’Un métaphysique toujours marqué d’une dualité en tant qu’il a affaire à la philosophie. D’une part l’Un est maintenant superposé avec lui-même, c’est ce que nous appelons l’Un-en-Un ou l’immanence radicale de la messianité. D’autre part son second aspect se manifeste comme transcendance mais cette fois tombée en-immanence et simplifiée, apportée par la messianité, c’est ce que nous appelons la foi ou le Messie-existant-fidèle.

LARUELLE, 2014, CF

IDEMPOTENCE, Superposition, Science

L’idempotence (A A = A) est la « proto-logique » de la superposition et prépare d’elle-même sa superposition soit avec le monde microphysique ondulatoire soit avec le monde humain vécu. Comme forme élémentaire de la superposition elle est capable d’aspirer le vécu, de le forcer, réussissant enfin cet exploit de la fusion, bref de n’être pas seulement immanente mais immanentale ou de valoir pour le réel du sujet... L’idempotence algébrique doit être interprétée ou traduite philosophiquement et/ou théologiquement pour être utilisable dans la matrice... Superposition et non-commutativité ne peuvent être simplement des propriétés algébriques « brutes » mais sont élevées à l’état de principes scientifiques et doivent être comprises comme tels. L’idée d’une science des religions portée par le Christ est bien un miracle du type le plus haut et le plus simple, comme toute découverte scientifique excédant son axiomatique... C’est ce que nous signifions en disant que les axiomes de cette science sont des « oraxiomes ».

LARUELLE, 2014, CF

samedi 17 juin 2023

MATRICE, Christ, Messie

On appellera « matrice christique » le dispositif quantique-et-générique qui représente sous forme de vecteurs les « états » possibles du Christ (que nous appelons « en-personne » pour le distinguer de Jésus) et le détermine en fonction d’une nouvelle économie du salut, délivrée du doublet théo-christo-logique, émancipant dans les sujets la messianité et la foi... Il contient différents éléments représentés de manière vectoriale, parmi les plus connus. 1. Des matériaux, les données de ses paroles et de ses actes d’accent soit grec, soit judaïque, qui sont les deux variables de son message... 2. Les opérations de conjugaison, multiplication et addition, faites sur ces variables... 3. Enfin et principalement, sous le nom de facteur-Messie, un facteur spécial de sous-détermination pour les produits des variables, de toute façon d’index auquel les rapporter. C’est une force productive de fiction ou d’imaginaire maîtrisé, d’insurrection rigoureuse dans la théologie.

LARUELLE, 2014, CF

UNILATÉRALITÉ, Messianité, Superposition

D’une certaine manière la complémentarité unilatérale est ce qui se substitue dans la théologie à l’« union des deux natures »... Ce qui traverse et unifie ces deux natures, quelles qu’elles soient d’ailleurs, est une immanence vécue dont le vecteur se traverse lui-même comme par un effet « tunnel » et qui, pour cette raison, peut être dite radicale. Se traversant de cette manière-là sans emprunter aucune trajectoire définie dans un espace philosophique, elle traverse donc aussi tout ce qui croit ou pourrait croire pouvoir l’excéder et qui est d’abord d’une autre nature, la transcendance macroscopique de la théologie. L’immanence messianique n’est pas un point ou un cercle intérieur à lui-même mais une superposition radicale qui fait tunnel immanent, traverse les transcendances jetées sur son passage, allant au-delà d’elles sans les contourner comme l’Être contourne l’étant ou comme son horizon passe derrière et pas seulement à travers la chose.... La messianité est un flux qui ne cesse de pénétrer le monde qui vient lui faire barrage et qu’elle roule comme le ciel nocturne roule ses étoiles.

LARUELLE, 2014, CF

CHRIST, Vecteur d'état, Facteur imaginaire

L'« état » au sens complet et quantique d’un concept habite un espace qui se distingue de celui de la représentation théologique classique. C’est un espace de configuration vectoriale (plutôt que simplement géométrique ou vectoriel) parce que l’état est muni d’un facteur qui en change la nature et l’abstrait de la représentation théologique. Nous comprenons en un sens large le Christ comme message ou kérygme mais le Christ au sens le plus étroit comme facteur qui introduit dans la matrice la dimension « imaginaire » ou « complexe » de fiction... Nous le représenterons géométriquement comme « quart de tour » ou de cercle noté algébriquement racine carrée de -1... L’état du concept ou cet ensemble de ses propriétés est représentable par un vecteur dans un espace dit de « Hilbert », vecteur caractéristique de l’amplitude d’un phénomène ondulatoire ou interférent (le vécu de messianité) et non d’un phénomène corpusculaire qui a une position et des relations avec d’autres corpuscules mais pas d’amplitude. La force d’excès d’un tel facteur imaginaire, « Christ », accompagne désormais toutes nos énonciations de nature théologique... Le Christ est le quart de tour négatif soustrait au cercle théologique qu’il génère par ailleurs. En d’autres termes, le Christ pourrait s’écrire Un-en-Un à condition de le schématiser par la racine carrée de -1. Les paroles évangéliques du Christ au sens « étendu » de kérygme, quant à elles, sont ce que nous appellerons des oraxiomes, des fonctions d’onde d’un message fait de particules animées d’une force vectoriale.

LARUELLE, 2014, CF

MESSIANITÉ, Foi, Croyance

Nous allons distinguer quatre catégories de la vectorialité, la messianité, la foi, la fidélité, la croyance. La messianité est d’abord l’ensemble des données ou variables qui forment le système-Christ dont nous savons qu’il contient des états superposés... Deux orientations opposées de la reprise sont possibles. L’une se fait sous la condition déterminante, ou plutôt sur-déterminante du vécu en sa provenance philosophique donc transcendante (les affects spiritualistes, voire mystiques), c’est une reprise religieuse qui produit de la croyance, détourne la messianité de sa destination en voulant lui en imposer une, et l’enkyste sous la forme d’une Église ou d’un corps ecclésiologique transcendant. L’autre relance la matérialité sous la condition cette fois algébrique déterminante, ou plutôt sous-déterminante, c’est la reprise que nous avons appelée « gnostique » en un sens élargi au-delà de ses contours historiques. Nous distinguons la messianité générique que nous posons comme ensemble des conditions préparatoires à l’expérience de la foi, et la foi comme expérience « individuelle » déterminée en-dernière-instance par la messianité. La foi est l’assomption individuelle de la messianité générique, elle est le corrélat ou plutôt l’effet, comme le reflet de la messianité, et prend comme supports les individus sans se confondre complètement avec eux... L’essence de la foi elle aussi est l’immanence d’un ascender ou d’une insurrection radicale mais non absolue. La personne du Christ nommée « Jésus » doit être elle aussi traitée comme un fidèle égal aux autres, car on sait qu’il n’était pas exempt de toute faiblesse dans l’assomption de sa mission. Comme sujet individuel du message-Christ, Jésus est lui aussi indexé au facteur-Christ... Comme probabilité de présence de la messianité aux individus, la foi s’obtient en multipliant par elle-même la résultante des vecteurs (soit le carré du module), donc la foi la plus pure ou la plus radicale s’obtient en multipliant le vecteur du Christ par lui-même, c’est le Christ à la puissance deux, donc la somme des reprises messianiques... L’individu est un étant du monde macroscopique, il est saisi par la messianité et devient un fidèle plutôt qu’un croyant ou au contraire retourne la foi contre la fidélité au profit de la croyance... Par rapport à la croyance, la foi procède par reprise de la superposition, et cette reprise n’est pas une réflexion, c’est un nouvel ascender immanent, un vecteur qui se soustrait à la représentation théologique... Si la messianité est vectorialité, la foi est la probabilité de présence du message messianique se réalisant et reçu par les sujets individuels.

LARUELLE, 2014, CF