mardi 21 octobre 2008

EGO > Donné-sans-donation

Comment penser un Ego réel sans rapport avec la pensée (donc ni pensable ni impensable) de telle sorte que la pensée soit néanmoins en rapport avec l'Ego ? Par une donation réelle de la pensée en "une seule fois", et non à la manière philosophique comme "pensée pensée" et "pensée pensante" (comme si la pensée était à la fois la donation et son résultat). Donc dans la dualité obtenue de l'Ego et de la pensée, le premier comme être-donné n'est pas lui-même être-pensé : si ce dernier doit être pensé (nommé, décrit, etc.), ce ne sera pas de manière constitutive. Quant à la "contradiction" qu'il y aurait à poser par la pensée un réel sans-pensée, elle paraît moindre que la suffisance de la pensée qui prétend se penser elle-même par auto-position.

Rappelons que l'Ego sans-pensée se définit seulement comme Réel radicalement immanent ((à) soi), donc comme l'Un plutôt que l'Etre ou l'Autre. Comment donc penser ce donné-sans-donation qui se donne pour forclos à la pensée ? comment penser son existence ou son inexistence ? Le donné radical se soustrait non seulement aux démonstrations philosophiques mais encore aux critères du "fait" ou du "droit", du donné intelligible ou intuitif, etc. L'Ego réel qui n'existe pas ou n'est pas, nous le pensons et le posons néanmoins selon son exigence propre (minimale, puisqu'il n'est pas) comme axiome premier d'une axiomatique transcendantale (ni formelle ni onto-égologique) qui ne le met aucunement à l'épreuve. Il n'est même pas nécessaire de penser le donné selon sa logique pure de "donné" ; mais s'il s'agit de le penser, alors il se met à "fonctionner" comme terme premier d'une axiomatique contraignant cette fois la pensée. Le manifesté-sans-manifestation ne se manifeste qu'à partir de soi, il ne se donne que "de" lui-même, etc., ce qui demeure incompréhensible philosophiquement sauf par analogie avec le principe spinoziste d'index sui. Mais ici il n'a pas de pensée, de connaissance, ou même d'hypothèse à fournir à propos du réel ; au contraire, ce n'est qu'à partir du réel que nous pouvons formuler des hypothèses, etc.

Pour autant le donné réel n'est pas une abstraction ou une "formalité" : ce qui est découvert ici, c'est la condition réelle de toute pensée, même philosophique, laquelle ne peut faire l'économie de l'Un. La non-philosophie, quant à elle, explore les conséquences du donné-sans-donation sur la pensée en général, philosophie comprise, au moyen d'une axiomatique rigoureuse ordonnée justement au donné radical et à sa détermination-en-dernière-instance par celui-ci.

La caractère hypothétique de l'Ego radical ne tient pas à sa supposée nature problématique (ou inversement apodictique), mais à sa réalité propre qui est d'être sans pensée. Il est donc une hypothèse pour la pensée et non une thèse réfléchie, mais une hypothèse transcendantale autant qu'expérimentale (envers la philosophie) puisque soumise à un réel forclos, non empirique. Le donné radical détermine la pensée sans entrer dans son jeu, de telle sorte que celle-ci n'a pas à le réfléchir, le nier ou l'affirmer, le mettre en doute, etc.

1996