mardi 18 juillet 2023

CROIX, Messianité, Ascension

La messianité est le contenu réel de la Crucifixion. Le contenu réel de l’Évangile n’est pas son contenu apparent, il doit être compris selon une « logique » algébrique ou « quartielle » plutôt que « partielle », comme un événement qui n’est ni total ni partiel. C’est moins un tournant ou une conversion de la pensée qui est ici exigé qu’un quart de tour négatif, « impossible » ou « irrationnel », une uni-version futurale ou une entrée dans la sphère de la vectorialité. Le quart de tour n’est pas une abstraction du cercle théologique, c’est un vecteur identifiable dans l’Ascension, qui est le moment souvent délaissé et le plus invisible du phénomène christique, le moins empirique ou le moins historique. Nous comprenons la Croix depuis la Résurrection et l’Ascension, non l’inverse, qui est confusion du mouvement réel ou futural du Christ avec le mouvement apparent du christianisme... La Résurrection et l’Ascension sont plus que premières, elles forment moins une inversion du cours historique qu’une uni-version ou une ultimation avant-première, générique plutôt que philosophique. Comme phénomène vectorial, l’Ascension ne peut pas entrer elle-même dans un ordre plus puissant qu’elle, le Ressuscité fait plus qu’inverser le sens empirique et rationnel de l’histoire, il l’uni-verse quantiquement et génériquement, transforme futuralement l’ordre en fonction de l’Un-en-Un qu’est le quart de tour imaginaire. Ainsi la Résurrection ou l’Ascension sont non-commutables avec l’histoire qui s’ensuit et qui prétend les englober. Le Réel du Christ sous-détermine l’ordre nouveau qui n’est plus déterministe, du passé vers le présent mais sans simplement l’inverser ou le nier puisque la Résurrection est futurale, et le Christ ressuscité le futurum, si l’on peut dire, ou l’ultimatum qui sous-vient au-devant des sujets-monde infidèles mais « évangélisables »... Le Christ est l’événement qui, sans détruire le cours général du monde, l’abaisse dans sa toute-puissance ou le transforme en le ré-orientant-messie. C’est pourquoi l’Ascension est ce qui sous-détermine la Croix et lui donne sa futuralité, les aspects de récit théâtral ou dramatique étant des effets secondaires... La Résurrection et par conséquent la Crucifixion sont profondément contraires à l’esprit de la tragédie et du sacrifice qui est celui de la philosophie... Comme événement de « réconciliation », la Résurrection serait un miracle assez misérable, un objet de croyance réglé par l’histoire et agité par les Églises, une sorte de happy end. Si le miracle existe, c’est dans une tout autre économie temporelle, sous une forme virtuelle autant que faire se peut mais il n’est ni premier ni dernier dans la série de l’histoire, il est avant-premier, étranger à cette histoire mais agissant en son sein.

LARUELLE, CF, 2014