lundi 26 juin 2023

CHRIST, Messianité, Résistance

Le Messie qui sous-vient n’est ni un point où Dieu se concentrerait, le Dieu ou l’Un de la kabbale par exemple, ni un retour sur soi, il ne peut faire retour mais vient pour l’avant-première fois chaque fois comme ce qui abat toute suffisance. L’immanence par exemple la plus radicale que la philosophie du Christ (M. Henry) ait imaginée se dédouble en un point-ego et un flux oscillatoire d’auto-affectivité qui remplit cet ego et que cet ego individuel enferme. Ce n’est donc rien d’autre qu’un atomisme conceptuel, l’ego est transcendantal ou semi-transcendant. De nouveau l’ego ou le centre l’emporte sur l’onde messianique, alors que l’immanence de ce qui ne fait que venir messianiquement devrait être cherchée au plus profond du « sans-retour » ou de la Résurrection du Christ, donc dans la propriété d’idempotence qui fait de l’immanence de la messianité un vecteur et non un cercle. La « sous »-venue du Christ est le seul contenu réel possible de son « retour » mythologique, la seule mémoire de la messianité... Dans le rapport à l’Histoire, le Christ sous-venant introduit un grand renversement. La messianité n’est plus ce qui reste ou résiste et dont l’entêtement définit le Même comme résidu de l’Histoire... Les variations servent à faire apparaître ce qui résiste, c’est une opération de transcendance glorieuse et entêtée, tandis qu’ici le Même n’a pas à se constituer comme ce qui résiste, il se contente de bouger en lui-même ou d’osciller au gré des variations, opérations ou différences et non malgré elles. Le Messie a la souveraineté des faibles, l’indifférence accueillante ou insensible. Le non-agir de l’Idempotent n’entre pas dans un corps-à-corps ou un face-à-face, n’a pas à réagir réflexivement pour résister. Cette puissance d’être et de rester le Même sans devoir tuer l’Adversaire est la messianité, ce n’est pas la puissance seulement de résister aux variations et aux avatars, de les inclure ou exclure, d’en faire au mieux une synthèse dans un grand système théologico-mondial. C’est ce qui distingue de notre point de vue la défense des humains et la résistance qui ne peut être qu’un combat dont l’horizon est la mort. Ni affirmative ni négative, la défense inclut un moment de transformation et non de mise à mort de l’Adversaire.

LARUELLE, 2014, CF