mardi 18 juillet 2023

CONVERSION, Non-commutativité, Universion

La conversion au sens classique est la loi de la commutativité qui vaut du monde macro-religieux, conversion réciproque de Dieu et de l’Homme ainsi que les mystiques l’ont expérimentée sous la forme d’une double extase. À la conversion de Dieu à l’Homme par le Christ, telle une seconde création, répond celle de l’Homme à Dieu. Ce cercle est une forme d’éternel retour théologique du même et se laisse voir dans le contexte chrétien fondé sur le couple sacrifice/conversion. Mais si le sacrifice est celui de Dieu comme nous en ferons bientôt l’hypothèse, alors l’homme messianique qui naît du sacrifice de Dieu n’a pas à se convertir, en revanche la religion doit s’univertir hors d’elle-même. Aussi décisif que l’addition idempotente des deux savoirs (Logos et Torah), le second principe algébrique, celui de la non-commutativité, établit cette addition dans l’espace de l’Avant-priorité ou Dernière Instance. Celle-ci est posée par une opération dite d’« ultimation »... Dans ce « tournant » que serait la conversion au générique, la quantique impose d’emblée ses principes et se saisit de la conversion qu’elle transforme en superposition. La superposition a un effet d’uni-version, elle verse la philosophie hors de sa suffisance ou la fait tomber en-immanence humaine. À peine le sujet a-t-il opéré cette conversion qu’il est en effet déjà « retourné » ou uni-verti en sujet générique en fonction de cette addition... 
Il y a aussi un aspect d’invention empirique, continue et lente de cette science dans le temps de l’histoire à partir des données de la théologie et sous son autorité, mais le pari de l’ultimation comme superposition se joue d’un seul coup de dés où le sujet ne se conserve qu’à l’intérieur de son être-transformé comme vécu générique ou messianique... Le coup de dés philosophique comme jet transcendantal est remplacé par le jet ou le vecteur immanental de la messianité. C’est la matrice générique comme superposition avant-première qui jette les dés de la science et de la philosophie tels qu’ils s’additionnent quantiquement (et non arithmétiquement), c’est un geste immanental, ce qui se produit n’est pas une retombée des dés sur une table mais un jet de vecteurs messianiques dans un espace imaginaire quasi hilbertien... Dans la matrice générique, nos deux dés, la science et la théologie, ne retombent pas sur ce plan d’immanence qui serait évidemment le monde. Ils forment un vecteur messianique qui traverse le mur cosmique, s’empare des transcendances, les fait interférer et crée ainsi d’innombrables et indiscernables flux ou fonctions de guidage vécues de ces transcendances. Jamais totalisés ou enfermés par le monde-tout, par le monde-point, ils ne sont additionnés que sur le monde-écran qui se contente de les détecter sans qu’ils retombent localement ou globalement en lui.

LARUELLE, CF, 2014