mardi 18 juillet 2023

CHRIST, Croix, Christianisme

La folie de la Croix est le cœur du christianisme surtout occidental, c’est l’interprétation de Paul, d’un juif converti et qui la reçoit comme le paradoxe de deux langages inconciliables qui semblent appeler une dialectique... Le mélange de la Loi et du Logos sous l’autorité de l’un ou bien de l’autre est assumé finalement par le Logos et ne va plus cesser de retentir en lui et de le troubler... Le Christ, lui, n’a pas à se convertir, pas plus qu’à être circoncis, il n’est donc pas sûr que son mystère réel se réduise à la complexité ontologique et symbolique ou idiomatique de la Croix... Le Christ peut-être ne se contente pas d’« accomplir » la Loi, mais procède autrement et se défait du cadre onto-théo-logique ancien. Quelque chose comme une « mort de Dieu » plus profonde que sa mort « morale » et « moderne » devient possible. Ne faudrait-il pas dire dans un esprit gnostique que Christ est venu « accomplir » Dieu lui-même en le soustrayant à son cadre gréco-judaïque ? que la Résurrection est le vrai sens de la mort de Dieu et que le Crucifiement, cette obsession morbide de l’Église, a été surexploité au profit de Dieu et de son autorité accusatrice et pour le bénéfice de l’Église ? En revanche, si nous soutenons que la voie de la messianité seule réelle a été renversée et théâtralisée par le christianisme historique, la charge nous reviendra de donner une autre interprétation « ontologique » et « symbolique » de la Croix en fonction de la Résurrection. Si la « conversion » comme acte du devenir-chrétien est le renversement déterministe et mondain de la Résurrection, une interprétation subjective et générique du doublet théo-christo-logique est notre objectif... Christ est la condition sous laquelle le croyant peut être uni-verti à la foi, arraché à sa suffisance de juif ou bien de grec converti. Paul est terrassé comme juif, illuminé comme grec, c’est la folie d’une collision de deux mondes qui reste transcendante... Sous cette forme la Croix représente l’amorce inachevée, toujours livrée à la transcendance du religieux, de la matrice générique. C’est le triomphe ultime de Dieu sur le Christ, du Père sur le Fils, pas encore le devenir humain ou immanent de la Croix... L’uni-version ou l’ultimation serait plutôt ce que nous appelons la superposition de l’être-terrassé ou aveuglé et de l’être-illuminé, pas du tout cette collision faible de la dialectique qui va se résoudre comme à l’accoutumée par un flux de nouvelles écritures « enseignantes » et une évangélisation planétaire.

LARUELLE, CF, 2014