La science chrétienne se dit par des oraxiomes qui utilisent des concepts en les requalifiant comme termes premiers par suspens justement ou neutralisation de leur sens philosophique, donc en répétant l’opération christique au plan du verbe, un ensemble d’énoncés oraxiomatiques mais immanents, se déployant infiniment comme les phases d’un flux. Ils se défont de la théologie, positive ou négative, ce sont des phases génériques de messianité, des « fonctions d’onde » messianiques... C’est ainsi que le kérygme du Christ tel qu’il se donne dans ses affirmations et exhortations (...) est fait d’états de langage superposés, identifiables de manière seulement apparente dans leur origine, et qu’il peut être envoyé dans un système d’interprétation ou un dispositif d’expérimentation de type quantique, sur le modèle de l’expérience dite des « deux fentes ». À sa sortie il peut se lire soit en immanence de type grec soit en transcendance judaïque selon l’appareil de mesure ou de sortie choisi (les Églises), qui peut faire apparaître l’un ou l’autre. De là l’historien ou l’exégète définira un Christ plutôt juif ou un Christ plutôt grec selon le dispositif choisi c’est-à-dire selon les critères de l’interprète... Le kérygme du Christ certes indivisible n’est pas partagé entre des origines grecques ou bien juives, mais distribué sur l’ensemble du dispositif qui comprend l’émetteur et le sujet récepteur, il porte ainsi toujours la marque de la finitude de l’appareillage... Le kérygme est le sens complexe, indéterminé ou « fictionnal » du message, ce qui est vectorial en lui. S’il y a un problème d’interprétation il faut savoir qu’il se développe dans une apparence objective qui est religieuse-philosophique. Le kérygme est vectorial générique, il sous-vient radicalement immanent ou abandonne la double transcendance depuis le « quart de tour » algébrique comme ouverture messianique immanente.
LARUELLE, 2014, CF