mercredi 19 juillet 2023

SUJET, Générique, Christ

Entre la science comme Christ et la philosophie, entre le flux de la messianité et l’individu qu’elle sous-tire à l’enfer du monde et transforme en fidèle, le « sujet » est une notion ambiguë qui a plusieurs aspects ou passe par plusieurs phases. Récapitulons. D’une part il y a le Christ avant-premier comme science-sujet générique ou Dernière Instance, c’est la superposition de la condition algébrique minimale, l’idempotence, et du vécu qu’elle neutralise. Ce vécu est d’origine doxique quelconque mais, devenu générique ou non-égologique, non-individuel, il est passé à l’état de messianité immanente. Sa forme générique exclut la forme-conscience ou la forme-ego qui sont rejetées comme représentations mondaines ou contraires à la nature ondulatoire de la messianité. Il y a donc un vécu générique du Christ comme science, le Christ n’est pas un individu singulier du monde ni une entité ontologique, son universalité qui prend en charge les humains est d’une autre nature que celle de la philosophie qui « prend en souci l’étant en entier ». Mais il peut toujours être confondu par la philosophie elle-même avec le sujet transcendant de celle-ci. La philosophie a tout intérêt à confondre les deux états, messianique et philosophique, générique et général, sous le nom de « sujet » et de là à lui identifier l’homme en général ou l’humanité abstraite... D’autre part, à l’autre extrémité, celle du monde, il y a justement le sujet philosophique mondain qui se croit en soi ou se veut « suffisant ». Mais sa fonction ou son usage sont désormais complexes. À la philo-théo-logie et à leurs divers sujets, la science-en-Christ accède de droit et lève toute suffisance, fait tomber en-immanence ou en-messianité toute transcendance... On appelle aussi « occasionnelle » cette variable libre de la fonction messianique et qui joue le rôle de symptôme. Mais entre ces deux « sujets », l’un comme Christ pleinement générique, ou messianité, l’autre simple occasion du salut générique, il y a le sujet fidèle configuré par la messianité, le messie qui hante le monde. Ce sujet est ce qui est transformé du symptôme par l’immanence messianique, c’est le sujet fidèle ou en-lutte contre les croyances du monde... Il est celui qui est sauvé et qui donc peut être à nouveau happé par le monde et son attraction. Le salut ne peut pas être un acte absolu ou « religieux », sans prémisses, comme prétend l’être la création ex nihilo. C’est bien une grâce mais nous distinguons entre une grâce absolue, autoritaire et tissée dans les présupposés gréco-judaïques, et une grâce radicale qui prend les humains à leur racine vectoriale. Comment pourrions-nous être « sauvés » si nous ne l’étions pas déjà sans le savoir, ou sans être ce savoir du salut qui ne se connaît pas encore actuellement ? Si la messianité possède un certain agir, c’est de sauver les humains et d’en faire des messies... La damnation est de croire que rien ne peut nous sauver parce que nous ne savons comment, par quels moyens et par qui nous le sommes. Nous sommes l’épreuve du salut dont nous ignorons presque tout. Pourtant nous avons le sentiment d’avoir été sauvés malgré notre ignorance longtemps maintenue des moyens nécessaires pour l’avoir été. « Dieu fait homme » ou « l’homme fait messie » ?

LARUELLE, CF, 2014