mardi 25 novembre 2008

NON-PHILOSOPHIE > Science transcendantale

La détermination-en-dernière-instance prend la forme d'un organon transcendantal, ou "force (de) pensée" qui, en tant qu'inférée depuis l'Un et appliquée à l'expérience philosophique (avec ses savoirs régionaux) comme apport et matériau, constitue la non-philosophie. La non-philosophie est une pensée transcendantale qui prend pour objet l'ensemble des savoirs, régionaux et fondamentaux. Son Réel n'est plus celui du sens commun philosophique (une "mêmeté supposée", plus ou moins objective), mais l'identité radicale, de sorte que son objet à elle serait précisément le sens commun philosophique, le bricolage philosophique et ses divers modes (une "technologie transcendantale").

La non-philosophie ne prétend plus soumettre les savoirs régionaux à l'autorité ou à la critique d'un savoir fondamental, elle se contente de leur appliquer une réduction ou une formalisation transcendantale, et de les généraliser, mais pas à la manière philosophique. La philosophie prétend universaliser en mélangeant acquisition et formalisation, selon une méthode empirico-transcendantale qui se révèle autoritaire et déficiente ("coups de force" théoriques, etc.) ; la non-philosophie commence par distinguer l'a priori (qu'elle applique aux savoirs-matériaux, locaux ou fondamentaux, privés de toute réflexivité) et le transcendantal (la pensée pure), et justifie ce dernier en-dernière-instance du seul Réel.

Toute philosophie peut valoir comme méta-philosophie pour une autre philosophie, et annonce potentiellement la "mort de la philosophie". Sous la raison de l'immanence plutôt que de la transcendance, comme discipline minoritaire plutôt qu'autoritaire (donc ni méta-science, ni méta-philosophie), la non-philosophie se réalise comme théorie unifiée (et non unitaire) de la philosophie et des savoirs régionaux. Elle n'est pas non plus une science positive de la philosophie, ni une science absolue, mais une théorie qui s'appuie sur le seul organon transcendantal de la force (de) pensée.

La non-philosophie est la résolution réelle de l'antinomie de la science et de la philosophie, non pas comme thèse philosophique sur l'essence du Réel, mais par la simple hypothèse du Réel immanent, et par la constitution d'une théorie-pragmatique transcendantale. La non-philosophie se veut identiquement théorique et pratique, car elle ne se contente pas d'expliquer ou de décrire le fonctionnement de la philosophie, elle modifie et relance la connaissance même qu'on peut en avoir. Pour pouvoir transformer l'expérience philosophique (son usage, pas sa nature ni même son histoire), la non-philosophie doit rester une hypothèse non sanctionnable en retour par l'expérience. En tant qu'organon universel de la pensée, elle remplit cet office sans se figer en système clos.

Enfin, le recours à l'axiomatisation ne signifie pas (essentiellement) le projet de rendre plus scientifique ou théorique la philosophie, il dépend des conditions intrinsèques de la théorie unifiée, qui prescrit aussi bien d'introduire la pragmatique au coeur de la science. L'axiomatique transcendantale n'est donc rigoureusement qu'un aspect de la non-philosophie, qui renouvèle certes le concept de mathesis transcendantalis, mais en l'intégrant dans l'élément de l'identité réelle puis transcendantale.

1996