jeudi 6 avril 2023

ÉTHOLOGIE, Règle, Responsabilité

Le manque de possible éthique, mais surtout l’extension, voire l’intensification de ce manque, devient un vécu universel co-extensif à l’intensification du possible de type technologique... Un aspect plus profond du même phénomène global : l’adoucissement de l’impératif catégorique, qui devient à la fois immanent et universel. Il se fragmente, se dissémine, perd de sa transcendance et de sa « rigueur », de sa pureté formelle aussi ; il se pluralise en règles innombrables : émergence d’une micro-éthique de la vie quotidienne qui remplit tous les espaces laissés vides ou exclus comme « pathologiques » (Kant) par l’éthique pure (profession, sexualité, information, culture, etc… de l’individu sont compénétrées d’un « il faut » ou d’un « tu dois » de plus en plus micrologique) ; fragmentation et extension universelle de la responsabilité, sous la forme d’une « responsabilisation » et d’une « imputation » douces étendues à tous les comportements de l’existence ; fragmentation continue des tâches, des buts, des responsabilités... La Règle est toujours conçue comme règle de synthèse principielle et absolue, mais elle est maintenant devenue immanente et assure la fusion des formes les plus transcendantes de la Loi et de la Responsabilité avec la matière humaine qui, de son côté, se transforme en vue de l’œuvre commune, l’étho-techno-logie comme comportement absolument « conforme » et inconditionné... Il y a un processus continu de responsabilisation, à la fois une co-extension de la responsabilité aux rapports sociaux quelconques sur lesquels ce nouveau rapport vient se greffer et qu’il fait dévier, toute une éthique douce adaptée à la multiplicité des rapports sociaux et en particulier technologiques – et une co-extension inverse de la technologie à toutes les décisions quelles qu’elles soient. L’éthique fonctionne aussi comme aide à la décision technologique, et la technologie, outre ses fonctions classiques dans la production, comme aide à la décision éthique. À l’éthique douce appropriée à la technologie, répond une technologie douce de la responsabilité... C’est l’homme en tout point « conforme » : non plus à un état, un pays, une culture, une loi, ni même à lui-même, mais à la Conformité même... L’homme « éthologique » – celui de l’Occident et, par conséquent, le seul planétaire – est engagé dans la voie d’une sainteté inouïe, d’un devenir-saint qui réside dans l’identification de sa volonté et de ses conditions étho-techno-logiques, de son essence et de son existence.

LARUELLE, 2020, NET