vendredi 28 avril 2023

CHRIST, Quantique, Théologie

"Les divers mélanges d’intuition et de concept, de donné et d’intelligibilité, d’empirisme et de rationalisme (Kant), qu’ils soient analytiques ou synthétiques, peu importe ici, relèvent tous du style corpusculaire ou macroscopique, pour reprendre ces vieux termes indicatifs de la physique, ils ne sont ni ondulatoires ni particulaires. La dualité classique de l’intuition et du concept, illustrée par les essais mémorables de Leibniz et de Kant, tombe entièrement, et le schématisme et l’auto-médiation avec elle, dans le modèle corpusculaire de la réalité qui n’est qu’un côté de celle-ci et son côté newtonien. Une physique du Christ, si elle ne veut plus risquer de donner lieu à un physicalisme, ne doit plus traiter de la complémentarité onde/particule comme une dualité macroscopique qui est en affinité avec le contexte religieux et philosophique du christianisme, ses dualités sensible/spirituel et son imaginaire psychologique. Dieu et le Christ, les paroles et les événements de l’Évangile, les dogmes auxquels ils ont donné lieu, tout ce matériel doit être traité plutôt sous la forme de dualités ou de complémentarités de type quantique, et plus précisément vectoriales ou unilatérales. La science christique qui se substitue à la christologie change du coup le visage de la théologie comme science. En tant que bâtie sur des principes tirés du modèle quantique, elle sera construite d’une part sur des propriétés algébriques comme l’idempotence et le nombre imaginaire représenté géométriquement par des vecteurs, elle donnera lieu à un formalisme de nature algébrique et sans PSM. Et d’autre part sur une matière de vécu qui ne sera plus donnée intuitivement mais matérialement par onde et particule, ce vécu étant la substance des phénomènes christiques... Nous devons alors extraire de la physique quantique positive, avec l’aide de la variable philosophique, les deux se conjuguant dans une matrice générique, le noyau d’une « pensée quantique », non pas d’un logiciel mais d’un « quantiel » ou d’une vectorialité pour de nouvelles pensées. Pensée quantique ne signifie pas que la science pourrait « penser », formule absurde, mais devenir un moyen de la pensée si l’on use de la philosophie pour cette extraction. Opération qui est l’inversion de la procédure typique de la philosophie, la science divisant le corpuscule de la philosophie, se mettant au travers du Tout et exigeant de lui que tous deux se superposent pour que la philosophie puisse non pas devenir « science », autre absurdité symétrique de la précédente, mais devenir un moyen de la science du Christ ou entrer à son service. C’est de cette manière que science et philosophie entrent dans une œuvre commune comme moyens d’une pensée non-standard. Autrement dit on ne peut sortir de cette amphibologie de la théologie traditionnelle qui mélange science et philosophie au profit de celle-ci, idéalisant ou bien « matérialisant » abusivement le Christ, que par leur conjugaison comme variables de l’objet = X nommé « Christ »... La conjugaison n’est pas ici une médiatisation ou une schématisation mais elle doit être soumise à une condition spéciale qui est la « reprise », plutôt que la répétition, de la quantique qui va se trouver en-avant-priorité...Car cette relance, loin d’être répétition, différence et identification, qui sont des opérateurs philosophiques, est une « superposition » au sens algébrique et quantique de ce terme. Une superposition produit ontologiquement de l’Un idempotent, algébrique et non métaphysique, capable de supporter une addition avec lui-même tout en restant « lui-même » ou formant une immanence vectoriale, sans devenir doublet. Addition stérile d’une synthèse qui passe par une analyse sans y sombrer, d’une analyse qui passe par une synthèse sans s’y arrêter. Elle ne vaut que de l’immanence vectoriale et non de la transcendance philosophique. Elle fait de l’Un et seulement de l’Un-en-Un avec de l’Être ou de l’Autre. L’Un qui n’est qu’Un, additionnable ou superposable avec lui-même, est sous-déterminé par rapport à son redoublement et ses identifications métaphysiques telles l’Être et l’Autre comme instances surdéterminantes. C’est le déclin ou l’abaissement générique de la transcendance théologique, sa sous-potentialisation, qui est idempotence par rapport à la toute-puissance."

LARUELLE, CF, 2014