mardi 24 février 2009

VICTIME > Justice

Une victime n'a pas seulement "droit" à la justice, elle est la justice en-personne, plus exactement sa condition nécessaire mais non suffisante (elle ne participe pas à la justification du crime qui la rendrait co-responsable). Autrement dit le droit de la victime n'est pas absolu mais radical, c'est-à-dire 1) insuffisant pour fixer concrètement les condition mondaines de la réparation, mais 2) nécessaire comme "point de vue" déterminant unilatéralement le traitement juridique du crime, de l'enquête et de la peine.
La victime est plus qu'impensable philosophiquement, mais la non-pensée de la victime conditionne une pensée selon-la-victime. La victime ne demande pas justice, mais ce silence ni stratégique ni accusateur est la condition d'une justice selon-elle. Ce silence ne renouvèle pas seulement le langage d'une éthique du sujet selon l'Autre (cas des juifs), mais les termes d'une mystique selon l'Homme.
Le non-révisionnisme part du principe que les malheurs ne se mesurent pas et ne se comparent pas les uns aux autres, car il ne considère que leur identité. La Shoah comme la persécution des hérétiques sont des Ultimatum lancés à la philosophie pour qu'elle taise ses guerres intestines et qu'elle cesse de justifier le crime. Evidemment cet Ultimatum n'espère pas être "entendu", son effet est rigoureusement immanent.
La justice ne peut pas être "rendue" aux Hommes puisque eux seuls peuvent la donner (et dans un second temps, éventuellement, programmer sa reddition).
Pour juger les crimes commis contre l'humain, le juste ne sera pas investi juridiquement (selon des critères toujours discutables), ou philosophiquement par une transcendance en-soi de la Justice (Platon), ou par l'appel à une transcendance "très-Hautre" (Levinas), il ne peut être justifié (-sans justification) qu'en tant qu'Homme-en-personne (seulement comme condition nécessaire) ou en tant que sujet-Christ (par son action sur la philosophie).
L'Homme-en-personne est le Juste-dernier qui clone un justifié-premier (le sujet-Christ comme opérateur de justice), non en créant ex-nihilo la justice mais à partir des moyens de la justice mondaine. 

2004