mardi 24 février 2009

VICTIME > Devoir de mémoire

L'oubli ne saurait expliquer à lui seul le déni de justice dont souffrent les hérétiques, et à l'inverse exiger un devoir de mémoire ou se complaire dans la compassion les réduirait à un objet de la mémoire, qui les réhabiliterait autant que leurs bourreaux. Il ne suffit pas de rappeler ce qu'on leur a fait, il faut se souvenir de ce qu'ils furent.
C'est en tant qu'Hommes que les hérétiques furent victimes, et non en tant qu'hérétiques que certains hommes furent persécutés. La justice demeure la meilleure auto-défense des criminels lorsqu'elle fait mine d'oublier l'Homme et son vécu insolvable par le seul jugement et la mémoire des actes commis.
Les concepts attachés à la Shoah et à sa mémoire servent aussi comme termes premiers dans une axiomatique hérétique, d'abord parce que la Shoah, crime bien réel, fonctionne comme symptôme des insuffisances de la mémoire.
La philosophie en général donne la primauté comme la priorité à la mémoire sur le passé, faisant indûment de celui-ci un objet de celle-là. La philosophie est révisionniste par idéalisme, la représentation du crime dans la mémoire prolongeant la victimisation et entérinant l'oubli de la victime.
Le devoir de mémoire lui-même a été révisé "chrétiennement" en une quête herméneutique ou une obsession historique réduisant les victimes à leur témoignage. En tant qu'historiciste, l'idéologie victimaire verse elle-même dans une forme de révisionnisme, voire de négationnisme à l'égard du passé radical.
Seule l'hérésie donne à penser l'histoire selon le crime (et non l'inverse), un crime im-mémorial dont le savoir indocte détermine de nouvelles formes de mémoire ou d'oubli.

2004