jeudi 18 mai 2023

CHRIST, Quantique, Messie

À côté du Christ-Jésus réel mais historique, du Christ religieux objet de la théologie, il y a un autre Christ que l’on appellera « imaginaire » ou paradoxalement « scientifique » par sa proximité avec l’imaginaire algébrique complexe nécessaire à la quantique, un facteur-Messie plus exactement et chargé de faire passer la connaissance du Christ de son état de savoir théologique à son état de vérité générique sur une base quantique. C’est la fameuse « étincelle » des gnostiques et des mystiques... Un Christ réel en un nouveau sens, non réaliste, messianique de part en part, en surgira... Une science suppose dans son objet ce qu’elle-même y met a priori pour l’essentiel, une forme de rationalité qui lui est adéquate. Une science orientée-quantique y mettra au moins les grands principes rationnels qui lui sont propres et les y mettra dans leur totalité, sans être nécessairement positive pour cela. L’a priori quantique comprend les trois principes de la superposition, de la non-commutabilité et de l’intrication ou de la non-localité, mais aussi ce que l’on appellera provisoirement et kantiennement l’a priori transcendantal de ces principes, à savoir cette étincelle qu’est le nombre complexe ou imaginaire (racine carrée de -1) nécessaire pour entrer dans la sphère de pertinence quantique... On pose le Messie comme le facteur non-« réel » au sens de non-arithmétique mais algébrique, comme de l’algèbre par rapport à la théologie ou à la religion... Le nombre imaginaire n’est pas lui non plus un « nombre » au sens arithmétique et se mesure moins à l’absolu qu’au radical dont il est le porteur et l’introducteur dans la pensée comme avant-priorité dépourvue de fondement et contingente en un sens désormais non-philosophique. Autrement dit notre parabole ou notre fiction est justement que le nom de Christ désigne également et principalement l’équivalent du nombre imaginaire opérant comme Étranger ou fonction-Messie « intriguant » en milieu gréco-juif ou chrétien et y important la puissance de la fiction. Les variables du grec et du juif sont multipliées et affectées en leur fusion par la reprise mais idempotente du juif ou du Messie, qui revient apparemment mais qui en réalité vient pour la toute première fois ou qui sous-vient. Le facteur-Christ se montre à découvert ou « fait foi » dans la Résurrection comme reprise plutôt que dans la mise en Croix. La Résurrection est un acte méta-physique c’est-à-dire méta-quantique ou générique par lequel se prouve une messianité plus complexe que la judaïque ou qu’un acte préjugé intellectuel à la manière grecque. Elle donne la mesure d’un Christ indiscernable et le distingue en cela de Jésus qui, lui, faiblit sur la Croix... Le système-Christ comprend donc deux aspects étroitement conjugués et seulement deux. Il désigne le plus extérieurement le message christique, le kérygme à base gréco-judaïque avec l’ensemble des énoncés, formules et logia d’un personnage dénommé « Jésus », et de là l’ensemble de la théologie chrétienne qui l’englobe comme théo-christo-logie. Mais plus profondément « Christ » est le symbole qui désigne une fonction structurante mais immanente des messages, une variable fondamentale d’essence quantique, un facteur qui s’ajoute à toutes les variables extraites des messages, et qui a le pouvoir de les transformer en vecteurs. C’est un facteur de vectorialisation de la foi arrachée à la croyance ou encore de fictionnalité imaginaire qui donne le sens de son message.

LARUELLE, 2014, CF